Le chef du département de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal a raconté sur les réseaux sociaux l’expérience vécue par sa fille de 24 ans, mercredi. En montant dans le métro, sa fille, qui portait un masque, a laissé passer une dame dans la cinquantaine, tout en gardant une certaine distance. La quinquagénaire s’est alors approchée à environ 1 centimètre du visage de sa fille et a «éternué bruyamment» dans sa face. Volontairement, gratuitement.
En entrevue au Soleil, le Dr Alain Vadeboncoeur a convenu que le geste pouvait être celui d’une personne qui n’avait «peut-être pas toute sa tête». Sauf que, de plus en plus, l’urgentiste dit avoir recueilli plusieurs témoignages en ce sens : il semble y avoir un «phénomène de résistance» au masque, et ceux qui le portent sont ou se sentent mal vus, comme s’ils représentaient une menace, constate le médecin.
Comme cet ami du Dr Vadeboncoeur qui s’est rendu dans un hôtel de Charlevoix pour une fin de semaine de couple. «Le monde est accueillant, les précautions sont là, c’est clean, bien organisé... Mais ils sont arrivés avec des masques, se sont promenés un peu avec, et ils se faisaient regarder comme [s’ils étaient] des extra-terrestres. À tel point qu’à un moment donné, ils ont fini par enlever leur masque, c’était trop inconfortable», relate le Dr Vadeboncoeur.
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«Il y a comme un phénomène de rejet des gens qui portent un masque. Pourquoi? Est-ce que c’est parce que le masque est le symbole de quelque chose que les gens ne veulent plus voir? [Les gens] se disent: la pandémie est derrière nous, c’est fini, tout va bien, et les porteurs de masques deviennent un peu comme des porteurs de mauvaise nouvelle?» se demande le médecin, selon qui les gens masqués peuvent aussi être perçus comme des gens qui ont peur, qui sont «paranoïaques».
«Porter un masque, c’est comme affirmer quelque chose, c’est prendre position d’une certaine façon, et je pense qu’il y a des gens que ça met mal à l’aise. Chez nous, le masque, ce n’est vraiment pas dans notre culture. Ceux qui le portent sont porteurs du changement, et il y a des gens qui s’opposent à ça, qui résistent à ça, qui sont contre ça pour un paquet de raisons, et ça génère de l’agressivité contre les porteurs de masques», observe-t-il.
L’urgentologue s’est interrogé sur Twitter sur le phénomène de résistance au masque, et son enfilade a fait réagir. Marijo Gauthier-Bérubé, par exemple, raconte que son frère, qui portait un masque dans sa voiture immobilisée à une lumière, s’est fait engueuler par un autre conducteur, «comme quoi il était un imbécile, un mouton, un paranoïaque».
«Dimanche, au parc Gilles-Lefebvre, un homme était encerclé par d’autres qui lui criaient d’enlever son masque. C’est la deuxième fois que je vois [quelqu’un] se faire agresser pour avoir porté un masque», rapporte une autre abonnée, Sylvie Chastellas.
Sur la page Facebook du Dr Vadeboncoeur, Mélanie Chaput racontait jeudi qu’elle sortait tout juste du dépanneur, «où encore une fois, j’étais la seule qui portait un couvre-visage». Elle dit avoir «clairement senti le mépris des jeunes clients, et un a bien sûr fait exprès de tousser en me regardant».
Selon le Dr Alain Vadeboncoeur, «on est très, très loin d’avoir fait du masque une norme sociale».
«Et actuellement, on dirait même que c’est le contraire, que cette norme-là est en train de s’effilocher avec l’été. […] Si le gouvernement dit que c’est fortement recommandé, que c’est ça la norme, ça veut dire qu’il aimerait ça que les gens le portent, mais visiblement, ce n’est pas suffisant, ça semble même reculer d’après les témoignages que j’ai eus, les gens le portent moins maintenant qu’il y a trois semaines», constate médecin.
Le Dr Vadeboncoeur estime que si l’objectif, c’est que les gens portent de plus en plus le masque, «la seule façon, dans le contexte actuel, c’est de le rendre obligatoire». «C’est sûr que ça aurait passé mieux passé il y a un mois et demi que maintenant, alors que ça va mieux, que les indicateurs sont au vert [que le nombre de nouveaux cas confirmés de COVID-19, de décès et d’hospitalisations sont à la baisse]. Là, c’est comme l’embellie, c’est l’été et il fait chaud, c’est difficile de dire: maintenant, vous allez le mettre», convient le médecin.
Selon lui, il faudrait au moins profiter de l’été pour imposer le masque dans les transports en commun et les commerces «sans mettre de pénalités», question de sensibiliser la population, «parce qu’à l’automne, on va en avoir besoin si jamais ça remonte [le nombre de cas], comme ça risque d’arriver».
«Il faudrait peut-être l’obliger avec une date, avec des conséquences qui arriveraient juste dans un second plan», suggère-t-il.