Des services en amont, avant la DPJ.
Le Dr Gilles Julien n’est pas contre l’idée, évidemment, mais il va encore plus loin. Le pédiatre propose un cercle de protection, plutôt qu’une simple première ligne, plutôt qu’un panier de services dans lequel on pige pour aider les enfants et les parents à se raccommoder.
Ce serait déjà ça, remarquez.
Le père de la pédiatrie sociale rêve d’un système où les enfants seraient au centre de l’attention, à l’intérieur du cercle donc, et où tout le monde qui est autour travaille pour leur bien. C’est un peu dans l’esprit du «ça prend un village pour élever un enfant», pas seulement une première ligne.
Le village étant ici une garde rapprochée.
Une affaire collective.
Le Dr Julien a d’ailleurs soumis son idée devant la Commission Laurent, c’était en novembre, il a expliqué l’importance de mettre tout le monde dans le coup quand vient le temps d’aider un enfant, ce qui revient souvent à aider aussi les parents pour qu’ils prennent mieux soin de leurs enfants.
Il a insisté sur l’importance de tenir compte des besoins qui sont exprimés par les enfants, pas des besoins qu’on décide pour eux.
Je jasais il y a un bout avec un avocat qui travaille souvent dans des dossiers de DPJ, il me disait qu’on commence à tenir compte réellement de l’opinion des enfants autour de 14 ans, âge où on estime qu’ils sont capables de faire la part des choses. Avant, surtout avant huit ans, on «entend» ce qu’ils disent.
Il arrive que l’avocat qui le défend ne le rencontre même pas.
Il défend qui, alors?
Parce que souvent, m’expliquait-il, l’enfant veut retourner chez son père ou chez sa mère même si c’est un «mauvais parent». Et si on aidait vraiment ce parent, pourvu qu’il veuille faire l’effort, à devenir un meilleur parent plutôt que de lui accoler l’étiquette de mauvais parent, étiquette dont il aura bien du mal à se défaire?
D’où l’idée du cercle, de la famille élargie, de l’école, des ressources communautaires, pour maintenir l’enfant dans un environnement où il veut être.
C’est une première ligne, tout autour.
«Cette première ligne peut facilement dépister les enfants à risque, collaborer pour supporter et soulager les familles en difficulté, sans les juger trop vite. Elle peut créer des attachements sécures multiples pour les enfants, comme support à leur santé, à leur développement et à leur protection. C’est la mise en place d’une véritable première ligne qui prend soin de ses enfants sans faire appel inutilement à la DPJ, qui doit, selon la loi, demeurer un recours exceptionnel», écrit le Dr Julien dans son blogue.
La DPJ devrait être le dernier recours.
C’est devenu la porte d’entrée.
Le Dr Julien insiste sur l’importance d’aider plutôt que de dénoncer. «Le véritable ange gardien, c’est celui qui tend la main à son voisin qui semble dépassé avec sa marmaille! C’est celui qui s’intéresse à l’enfant qui est à côté de lui! C’est celui qui le “prend par la main pour l’emmener vers demain”, comme le chantait Yves Duteil. Nous avons tous et toutes un rôle à jouer.»
Tous et toutes.
Le pédiatre s’inquiète par ailleurs que Régine Laurent ait, le mois dernier, suggéré une «réflexion» sur l’importance à accorder aux liens du sang. «Quelle drôle de façon d’aborder la réflexion quand on a “une volonté de faire pour nos enfants”! En sommes-nous déjà là, avant même de prioriser des actions réelles de soutien aux enfants et aux familles dans les communautés vulnérables, réel foyer de dérapage de notre système de protection? Provoquer un débat polarisant de cette nature serait, à mon avis, très contreproductif. Cela risquerait d’escamoter les vraies solutions à ce grave problème de protection.»
Ainsi, il y aura le bon et le mauvais sang.
Commençons par le commencement, donnons des services de qualité en quantité, entourons l’enfant de ce cercle de protection.
Avant de déraciner, rempotons.