«C’est une grosse bombe qui est tombée et ça m’a fait beaucoup de peine. Je ne l’avais vraiment pas vu venir puisque j’habite à Québec durant la saison morte et que je voyais que le déconfinement commençait ici. Je voyais aussi mon petit frère au Cégep de Limoilou, son équipe commence à s’entraîner par petits groupes de sept ou huit», déclare Bryan Latouche, un ancien du Notre-Dame du Campus-Notre-Dame-de-Foy qui s’aligne maintenant avec les Gee-Gees de l’Université d’Ottawa comme joueur de ligne à l’attaque.
«J’ai lu un article la veille sur Internet à ce sujet. J’ai même contacté mon entraîneur pour voir s’il y avait du vrai dans cette rumeur et, le lendemain, tout a été confirmé», poursuit-il, très déçu de perdre une saison dans son cheminement.
Son coéquipier la saison dernière, le joueur de ligne défensive Raphaël Gagné, parle de son côté du «pire cauchemar» pour un joueur de football. «Moi, j’ai terminé la saison passée, mais j’ai continué à m’entraîner avec l’équipe cet hiver. Le football, c’est une préparation annuelle, les gars s’investissent beaucoup alors on perd beaucoup quand on perd notre saison comme ça», explique le résident d’Adstock qui avait gagné le Bol d’Or en troisième division avec les Filons du Cégep de Thetford.
«C’est une grosse bombe qui est tombée et ça m’a fait beaucoup de peine. Je ne l’avais vraiment pas vu venir puisque j’habite à Québec durant la saison morte et que je voyais que le déconfinement commençait ici.
Pour Cédric Thériault, un ancien du Blizzard du Séminaire Saint-François et des Cougars du Collège Champlain-Lennoxville maintenant avec les Ravens de Carleton, l’annonce de lundi est aussi très décevante, mais elle n’était pas une surprise.
«Moi aussi, j’avais lu un article la veille et on voyait ça venir un peu. C’est dommage, car le football est l’un des sports avec le moins de temps de jeu pour les heures d’entraînement qu’on y consacre. En même temps, je comprends que du côté de la sécurité, reprendre le football n’est pas ce qui est le plus logique dans le contexte de la COVID. Mais en même temps, on ouvre les restos, les centres d’achats, c’est un drôle de message qu’on envoie», lance Cédric Thériault.
Vains efforts
«C’est difficile de se dire que tous les efforts que tu as faits depuis janvier, même avant, tous les poids que tu as levés, tous les vidéos que tu as regardés, bien tout ça est perdu, tout ça est à l’eau», illustre son colocataires et coéquipier avec les Ravens Philippe Bellerose, un ancien du Blizzard et des Élans de Garneau.
«Je sais que pour plusieurs, ce ne sera pas facile de se préparer en vue de 2021, car on recommencera une off season après une autre off season sans avoir eu notre bonbon, c’est-à-dire la saison. Moi, je serai capable, car j’ai déjà été inactif en raison de blessures. Mais quand même, ce sera mon premier automne sans le football dans ma vie depuis que je suis tout jeune», poursuit-il.
Celui-ci avoue que, même s’il avait vu venir l’annulation, il avait quand même un peu d’espoir en voyant la reprise des activités sportives au Québec. «En plus, mon petit frère est inscrit dans un prep school au Tennessee et, eux, ils ont confirmé qu’il y aurait une saison.»
«C’est un peu déstabilisant. Je comprends que la cause est plus grande que juste le football, mais pour un joueur, c’est très triste parce que nous, on met plus de 1000 heures par année pour le football», indique Nicolas Thériault, frère de Cédric et joueur de ligne défensive avec les Mustangs de l’Université de Western Ontario.
C’est difficile de se dire que tous les efforts que tu as faits depuis janvier, même avant, tous les poids que tu as levés, tous les vidéos que tu as regardés, bien tout ça est perdu, tout ça est à l’eau.
«Je regardais ça et je pense que la dernière fois où il n’y a pas eu de Coupe Vanier, c’est durant la Deuxième Guerre mondiale!», poursuit-il en rappelant les bénéfices du sport pour les étudiants-athlètes. «Ce n’est pas l’idéal, car beaucoup de monde compte sur le football pour rester à l’école et avoir de la stabilité dans leur vie.»
Incertitude
L’incertitude vient également en rajouter quant aux inquiétudes des étudiants-athlètes. «On nous dit que les joueurs de cinquième année pourront revenir pour une autre saison, mais qu’en sera-t-il pour les joueurs qui auront 26 ans alors que l’âge maximal pour jouer au football universitaire est de 25 ans? Même si on haussait ça à 26 ans, peut-être que plusieurs ne joueraient pas une autre saison», lance Justin Lauzon, un ancien des Géants de Saint-Jean-sur-le-Richelieu qui s’aligne maintenant avec les Gryphons de Guelph.
«Pour un joueur de première année, il fera ses débuts un an plus tard, pour celui de deuxième année, il perd une saison pour se faire valoir alors que le joueur de cinquième année ne sait pas trop s’il pourra ou voudra revenir. Beaucoup seront déçus et beaucoup vont mettre un “X” sur le football», indique Raphaël Gagné.
«Ceux qui sont en cinquième année et qui finiront leur bac, auront-ils le goût de prendre des cours additionnels ou de débuter une maîtrise pour jouer une autre année?», s’interroge Cédric Thériault.
Au Québec
Et même si la saison n’est pas encore officiellement annulée au football universitaire québécois, les joueurs évoluant dans d’autres provinces ne sont pas tous convaincus qu’elle puisse être sauvée.
«Je suis sceptique quant à la possibilité d’avoir une saison au Québec. En tout cas, mais amis qui jouent pour le Rouge et Or sont tous dans le néant. Peut-être que ce ne sera que des pratiques intra-équipe», avance Philippe Bellerose.
«S’ils sont capables d’avoir une saison, je serai heureux pour eux, car j’ai beaucoup d’amis qui jouent au Québec», lance pour sa part Bryan Latouche, qui trouve toutefois un peu difficile de lire à travers les plans de déconfinement des différents gouvernements.
Même chose pour Nicolas Thériault. «Au Québec, je leur souhaite d’avoir une saison même si je sais que ce n’est pas la même chose de recommencer à s’entraîner à dix que d’avoir 100 personnes qui se plaquent tous les jours sur le terrain», indique-t-il.
«Au Québec, malheureusement je crois que leur temps est compté aussi», avance Gagné, qui ne voit pas comment le Réseau sport étudiant Québec pourrait prendre une décision différente de celle des autres conférences, du moins pour le football.
S’ENTRAÎNER QUAND MÊME
Même si leur saison est officiellement annulée, les footballeurs québécois évoluant en Ontario interrogés par Le Soleil ont tous manifesté le désir de continuer à s’entraîner... en vue de la saison 2021! Certains s’accrochent même à la possibilité de disputer un match hors-concours ou quelques parties au printemps.
«Je ne sais pas si c’est faisable, jouer une saison au printemps, mais si c’est possible, ce serait vraiment agréable», déclare Cédric Thériault des Ravens de Carleton. «Moi, je m’entraîne encore et j’ai des rencontres virtuelles avec nos préparateurs physiques pour déterminer ma routine.»
Son frère Nicolas, des Mustangs de Western Ontario, insiste lui aussi sur la nécessité de maintenir l’esprit d’équipe alors que la prochaine saison aura lieu dans un an et demi.
«On nous a dit que peut-être on pourrait jouer un match hors-concours si les restrictions étaient levées. Ce serait déjà ça. Moi, ce que j’espère, c’est qu’on puisse avoir des entraînements en équipe, car beaucoup de choses sont faites dans une équipe de football pour garder les gars ensemble», explique-t-il.
Bryan Latouche, lui, s’estime chanceux que son père ait dès le début de la pandémie décidé d’investir afin de doter la maison familiale d’un gymnase pour lui et son jeune frère, également footballeur avec les Titans de Limoilou.
«Je ne souhaite à personne de perdre une saison, car le sport, c’est une grande partie de notre vie. Au moins, le confinement m’a donné l’occasion de pouvoir m’entraîner chez moi en compagnie de mon frère», commente-t-il.
De son côté, Justin Lauzon a décidé de continuer de travailler aussi fort durant cette période de repos forcé pour revenir en force avec les Gryphons quand les activités sportives pourront reprendre.
«Je prends ça comme une opportunité pour m’entraîner et revenir plus gros, plus fort et plus vite», illustre-t-il. Ian Bussières