La flèche monumentale de Marc Bellemare

La Flèche est un ouvrage métallique de 18 mètres qui accueille les visiteurs à l’entrée de la commune flamande de Knokke-Heist, en Belgique.

Une flèche monumentale de 27 mètres de hauteur, avec la pointe dirigée vers le sol, érigée quelque part sur un vaste terrain de la capitale, ou ailleurs au Québec, tel est le projet d’envergure que l’avocat Marc Bellemare est à fignoler en collaboration avec l’artiste plasticien français Jean Pierre Raynaud. «C’est tout un contrat. Ce n’est pas rien faire ça», mentionne le réputé juriste au sujet de cette œuvre d’art public dont il assume la totalité de la facture.


C’est lors de la dernière visite à Québec de M. Raynaud, en 2018, dans la foulée de la réinstallation, au parc de l’Amérique française, de son œuvre mal aimée Dialogue avec l’Histoire - le fameux «cube blanc» de Place de Paris, rebaptisé Autoportrait - que Me Bellemare a lancé les pourparlers avec l’artiste de réputation internationale. L’avocat et ex-ministre rêvait d’un pendant québécois de sa Flèche, un ouvrage métallique de 18 mètres qui accueille les visiteurs à l’entrée de la commune flamande de Knokke-Heist, en Belgique.

«(À l’époque) j’avais acquis les droits de son Autoportrait et, en échange, je réalisais le projet et trouvais un endroit pour l’installer. On s’était alors dit qu’on pourrait faire la même chose pour la sculpture monumentale La Flèche, raconte Me Bellemare. J’ai fait faire des plans et des échantillons de couleurs qui ont été approuvés par M. Raynaud.» Si tout va comme prévu, ajoute-t-il, «on devrait être capable de finaliser l’oeuvre pour l’automne.»

Le mandat de fabrication a été confié à Ludovic Boney, l’artiste derrière la renaissance de l’oeuvre de Raynaud au parc de l’Amérique française. Plusieurs de ses créations peuvent être vues à Québec, que ce soit à l’hôtel de ville de Québec, au Musée national des beaux-arts du Québec, à l’hôtel-musée de Wendake ou à la Base de plein air de Sainte-Foy. 

Pas n’importe où

Reste à déterminer l’endroit où sera érigé le monument de couleur noire, fait d’acier et d’aluminium. Même si le coeur de Marc Bellemare penche pour Québec, rien ne dit qu’elle ne retrouvera pas à Montréal ou en province. «Je ne peux pas vous dire qui est intéressé pour l’instant. J’ai une obligation de confidentialité. Plusieurs institutions, comme des musées, des corporations publiques et des municipalités, ont manifesté de l’intérêt. Des discussions doivent encore se tenir.»

«Pour que ce soit à Québec, ajoute-t-il, il faudrait que je m’entende avec le propriétaire des lieux pour être sûr que la flèche soit mise en évidence, car c’est un gros morceau. On ne peut pas l’installer n’importe où, dans le coin d’un parc. Il faut qu’elle puisse respirer.»

La hauteur de la structure commande des travaux d’ingénierie capables de la soutenir en cas de vents violents. «La base au sol est très ambitieuse afin de pouvoir asseoir l’oeuvre de façon solide», mentionne Me Bellemare.

De la même façon qu’il avait pris à sa charge les frais de reconstruction et d’aménagement de l’oeuvre Auportrait, le cofondateur du Club des collectionneurs en arts visuels de Québec s’engage à payer la facture qui accompagne le projet. Une somme évaluée entre 200 000 $ et 300 000 $. «Je conserve la propriété et la responsabilité de l’oeuvre. C’est moi qui l’assure et vois à son entretien parce que les pouvoirs publics ne sont pas toujours au rendez-vous pour faire un entretien adéquat. C’est plus coûteux pour moi, mais, au moins, je suis sûr que l’oeuvre sera respectée.»

«C’est à travers le projet de M. Raynaud que j’ai découvert l’art public et je me suis dit pourquoi ne pas en faire profiter la population et, en même temps, faire comprendre l’importance de l’art comme mobilier urbain. Il n’y a aucun plan de carrière derrière ça.»

Un signe universel

Joint à Paris, Jean Pierre Raynaud ne cachait pas son enthousiasme à l’idée de voir une autre de ses œuvres naître en sol québécois, de surcroît en collaboration avec un promoteur à qui il voue une confiance totale. «Ensemble, nous formons un tandem très sérieux.»

«C’est très ambitieux. C’est une très belle aventure pour un artiste. Ça me touche beaucoup, j’en suis très fier», ajoute celui qui avait installé une flèche de 17 mètres, à l’horizontale celle-là, en 2017, sur la terrasse du Centre d’art de la Cité Radieuse de Marseille (le MaMo).

«La flèche est un signe universel, une sorte d’appel et d’avertissement. C’est quelque chose qui signale un lien, qui dit que c’est ici que ça se passe. Quand on regarde l’oeuvre, on éprouve un sentiment de fragilité, comme si elle pouvait tomber. C’est ça qui m’intéresse, ce frisson.»

La controverse entourant la destruction par la Ville de Québec de son œuvre maintenant derrière lui, l’artiste de 81 ans compte bien se déplacer au Québec lorsque viendra le moment de son dévoilement. Il n’en tient plus rigueur à l’administration Labeaume qui, en 2015, avait jugé que l’état de dégradation de Dialogue avec l’Histoire l’avait rendue dangereuse.

«C’est quelque chose qui a soulevé beaucoup de commentaires, mais qui, en même temps, a été une renaissance, poursuit-il. L’art ce n’est pas une guerre. Ç’a été quelque chose douloureux, mais qui s’est bien terminé. Les gens de Québec ne sont plus dans le même état d’agressivité, ça s’est calmé.»