Marie-Fauve Bélanger
Le confinement a poussé Marie-Fauve Bélanger à déménager son matériel de la Maison des métiers d’art, où elle devait faire une résidence, à l’atelier portneuvois de son copain Mathieu Fecteau. «On est en campagne, au ralenti. Sans la pandémie, j’aurais couru partout et j’aurais dû me trouver du temps pour m’isoler et créer», note-t-elle. Si la vie a ralenti, le confinement a aussi, par ricochet, «accéléré» son couple.
Alors que les arcs-en-ciel se multiplient à toutes les sauces depuis la mi-mars, Marie-Fauve Bélanger a eu le cran de tenter d’utiliser le symbole coloré dans sa propre pratique. «J’avais déjà toutes les couleurs de plexiglas chez moi et comme je travaille la lumière, j’ai décidé de décomposer le spectre lumineux. J’ai pris la vague en me disant que si ça avait l’air quétaine, je ne le ferais pas», explique-t-elle.
Elle avait aussi en tête sa série Braise, de petites sculptures que les gens placent souvent sur le bord de leur fenêtre et qui colorent la lumière qui y passe. Comme un petit arc-en-ciel à soi.
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Pour cette nouvelle série nommée Spectre, les couleurs de l’arc-en-ciel forment sa palette et l’arc, sa forme de base. Mais entre les mains de la sculpteure, le jovial arc symétrique est devenu un ruban sinueux qui rappelle les nœuds du bois et les lignes des roches calcaires.
Elle colle des couches de bois de tilleul, de contreplaqué russe et de feuilles de plexiglas (dont des retailles fluo, héritées du trio BGL, où elle puise depuis trois ans) avec de la colle de polyuréthane. Elle forme un pain puis le découpe à la scie à ruban.
En parallèle, Marie-Fauve Bélanger tente de faire du bien à ceux qui l’entourent. Alors qu’elle dessine habituellement à partir de ses carnets de voyage, elle a invité les gens à lui envoyer leurs images anecdotiques de voyage, qu’elle redessine puis leur offre. «Ça m’impose une discipline et ça me donne l’impression de les aider à voyager, à s’évader», note-t-elle.
Elle participera à la Foire papier (virtuelle cette année), en ligne à partir du 1er juin.
Amélie Laurence Fortin
La fin de semaine dernière, du balcon de l’appartement de Varsovie qu’elle partage avec son mari depuis le début du confinement, Amélie Laurence Fortin observait les passants, tous masqués, en terminant ses préparatifs pour traverser la frontière allemande à pied.
Les musées et les bibliothèques s’apprêtaient à rouvrir, les personnes âgées, les amoureux et les enfants réapparaissaient, le maximum de 30 minutes de marche extérieure par jour était déjà un étrange et lointain souvenir.
La pandémie l’a contrainte à faire une parenthèse polonaise, entre la Belgique, où elle a créé une œuvre pour le prochain Mois multi, et Berlin, où elle est en résidence toute l’année, avec d’autres artistes provenant des quatre coins du monde.
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En quarantaine stricte, sans atelier, elle a travaillé avec ce qu’elle avait sous la main : son appareil-photo, un rayon de soleil et les objets laissés dans le grenier de l’immeuble qu’elle habite. Habituée d’élaborer des objets d’envergure et des machines, elle a dû s’adapter à ces ressources minimales et accepter de mettre son corps en jeu — quelque chose qu’elle s’était toujours refusée à faire dans sa pratique, axée sur l’espace, les volumes, l’énergie et les principes de la physique. Elle avait cherché une manière de jouer avec le soleil tout l’automne à Berlin, sans succès. «Et ici, je le trouve, en pleine quarantaine!» se réjouit-elle.
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Débarrassée de ses matériaux, elle a pu laisser la poésie et la spontanéité se tailler une place dans son travail. Un vent d’air frais.
L’artiste et directrice artistique de Regart, à Lévis, a dû montrer qu’elle poursuivait sa recherche, même sans atelier, pour ne pas être rapatriée. Plusieurs de ses comparses de résidences sont toujours coincés dans leur pays d’origine, incapables de regagner Berlin.
«Ça prend parfois des années avant d’être sélectionné pour une résidence à l’international. La voir interrompue, ça brise le cœur. C’est un deuil, souligne-t-elle. Par la force des choses, on est devenus plus visibles sur les réseaux sociaux, mais l’art visuel se vit et se ressent. Il va falloir réfléchir ensemble aux manières de continuer.»
Jacynthe Carrier
Puisqu’elle a une pratique qui se nourrit des arts vivants et de la rencontre des corps, Jacynthe Carrier est en arrêt obligé. À travers le quotidien, rythmé par la présence de ses filles de 7 ans et 2 ans à la maison, elle parvient à retrouver petit à petit du temps pour travailler.
En avril, elle devait faire un tournage performatif, intitulé Huis clos, où un groupe de huit danseurs suivraient une partition d’actions axée sur le contact, la notion d’être ensemble, l’attachement. Une étape de création (entre une résidence à LA SERRE au printemps 2019 et une exposition collective autour du chorégraphique dans l’art qui devait avoir lieu cet été) impossible à mettre en œuvre avec les consignes de distanciation sociale encore en vigueur.
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Un deuxième tournage, rassemblant des corps et des objets en pleine crue des eaux, captés par une caméra flottante, a aussi avorté avec le confinement.
Plutôt que de se laisser abattre, l’artiste en profite pour approfondir sa réflexion et prendre de nouvelles avenues. «J’ai maintenant besoin d’explorer la question de l’absence, de la distance, des limites dans l’être ensemble et de la perte de repères que cela occasionne. Nécessairement, l’écriture chorégraphique va changer», explique-t-elle. La création lui semble être une ressource essentielle pour canaliser ce qui se vit.
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