Panorama: lu, vu et entendu cette semaine

<em>Big Time Baby, </em>Lesley Barth

Balado

Solstice ****, Théâtre, Théâtre Niveau Parking

Le projet était déjà dans les cartons avant la pandémie, disons qu’il tombe doublement à point pendant celle-ci. Avec Solstice, la compagnie de Québec Théâtre Niveau Parking se lance dans la baladodiffusion de fiction. Les quatre premiers épisodes mis en ligne cette semaine montrent que l’expérience a été concluante... et le résultat s’avère fort réjouissant. Derrière l’initiative, Charles-Étienne Beaulne a donné carte blanche à cinq auteurs : Monika Pilon, Erika Soucy, David Bouchard, Isabelle Hubert et Jean-Michel Girouard (dont la capsule n’a pu être terminée avant le confinement). Seule contrainte : ancrer l’intrigue au Château Frontenac, où un crime (ou plutôt plusieurs...) a été commis, et ne pas ménager sur l’humour grinçant. Du thriller au docu-fiction, de l’horreur à l’absurde, les histoires ratissent large et se déroulent en parallèle. Elles sont surtout fort bien jouées par des comédiens qu’on a l’habitude de voir sur les scènes de la capitale et qu’il fait bon retrouver, même loin des yeux. Le tout a été enregistré au Studio Expression et est notamment bonifié par les techniques de bruitage de Jean-Philippe Jourdain, qui s’en est particulièrement donné à cœur joie dans l’univers érotico-gore imaginé par Erika Soucy… Ouch! Geneviève Bouchard

<em>Solstice, </em>Théâtre Niveau Parking

Musique

Lovers Rock ***1/2, Indie-Rock, The Dears

Si vous nous aviez dit que le groupe The Dears possédait une boule de cristal, nous aurions été tentés de vous croire. À la lumière du confinement et de la pandémie, les nouvelles pièces de l’album Lovers Rock, le huitième des Montréalais, résonnent fort, comme une trame sonore pour ces temps étranges. Entre des éclairs de fin du monde (Heart of an Animal) et le refuge que la bande à géométrie variable pilotée par Murray Lightburn et Natalia Yanchak trouve toujours dans le romantisme et l’amour (The Worst in Us), leur cœur et leurs chansons balancent. The Dears creuse un sillon indéniablement mélodique, qui cultive ici de touffus arrangements fleuris, là des touches plus abrasives, dans le créneau indie-rock qui a fait sa renommée depuis plus de 20 ans : certains fans entendront d’ailleurs une parenté avec l’album No Cities Left, qui avait propulsé la formation sur la scène internationale en 2003… Une boucle est bouclée, en somme, dans le parcours du groupe. Geneviève Bouchard



Musique

Julyan ****, Pop, Julyan

On a connu Julien Chiasson au sein du groupe The Seasons, avec qui il a eu un parcours fulgurant auprès de son frère Hubert (Lenoir), puis avec la formation Forest Boys, qu’il a cofondée en mode funky. En parallèle, voilà qu’il se lance en solo avec un premier minialbum à son nom (ou presque). Et c’est de la bombe. Avec la complicité du réalisateur Jesse Mac Cormack, l’auteur-compositeur-interprète qui a poussé à Beauport réitère son talent de mélodiste hors pair avec cinq titres pop anglophones tâtant parfois plus l’acoustique ou embrassant au contraire les synthétiseurs. Ce qui nous happe d’emblée, c’est la force de l’irrésistible refrain de Rebel Now Now, servie en introduction. La table est ainsi mise pour une escapade musicale qu’on aurait souhaitée plus longue. Pas de grands artifices, ici, juste une écriture authentique, une voix toute en nuances et des airs qui se démarquent. C’est déjà beaucoup, me direz-vous. Et nul besoin de davantage pour arriver à de saprées bonnes chansons. Geneviève Bouchard

Musique

Big Time Baby ***1/2, Folk alternatif, Lesley Barth

L’histoire est classique — celle d’une artiste qui plaque son boulot corporatif pour se consacrer à sa passion —, le résultat un peu moins. Parce que Lesley Barth n’hésite pas à naviguer entre différents styles pour les mettre à sa main. Une chanson a beau s’appeler Nashville — plus folk rock que country d’ailleurs—, l’auteure-compositrice-interprète puise dans des influences new-yorkaises : Woman Looking Back at Me a un beat à la Blondie alors que le sax de Preacher rappelle l’époque dorée de feu Clarence Clemons avec Springsteen. Quant à sa magnifique voix grave, elle évoque celle de Nathalie Merchant — la même amplitude et intensité aux bons endroits —, surtout sur Hand It to the Man, chanson qui dénonce avec une ironie mordante la société patriarcale. Big Time Baby parle d’incertitudes, mais aussi d’émancipation, celle d’une chanteuse prête à faire sa marque. Avec cet album réconfortant, Lesley Barth risque fort de vous séduire. Éric Moreault

Musique

Carte mère ***½, Chanson franco, Catherine Major

Certains le diront généreux, d’autres, chargé. Bref, le tout neuf Catherine Major est très riche. Pour sa première aventure comme réalisatrice et manipulatrice de sons de synthèse, l’artiste s’en est donné à cœur joie (les nouveaux joujoux font souvent ça). Si certains passages auraient mérité une couche de moins ou des sonorités moins typées, on demeure loin de la surdose. Il faut dire que la nappe organique apportée par l’orchestre, la voix caressante de Catherine (elle nous offre de très touchants aigus ici) et surtout les quelques chœurs échappés viennent agripper l’électro quand celui-ci est trop lisse. Plusieurs surprises et moments de grâce se faufilent, à commencer par la quasi hip-hop La bouteille, des excursions réussies dans l’électro-dance (La panique, Moi non plus) et de la pure émotion liquide comme le refrain de Bateau bleu, l’entièreté de Ma sœur ou la douloureuse (mais non larmoyante) Tableau glacé, qui n’est pas sans rappeler La luciole de l’opus précédent. Si la poésie de Jeff Moran emprunte cette fois quelques sentiers plus sibyllins, la sonorité des mots est ici exploitée de main de maître. Steve Bergeron, La Tribune

<em>Carte mère, </em>Catherine Major