[GÉRER LA CRISE] Santé Vision clinique d’optométriste: une urgence à traiter plus que les urgences 

Propriétaire de la Clinique Vision Santé, clinique d’optométrie à Lac-Beauport, Carole Roth doit composer avec une réduction de plus de 90 % de sa clientèle depuis le début de la crise. Tout ça parce qu’elle a été obligée de limiter sa pratique aux urgences.

La pandémie de coronavirus change tout pour les entrepreneurs d’ici qui en souffrent, mais qui rebondissent aussi devant la tempête, se serrent les coudes avec leurs employés et, parfois, font jaillir de nouvelles façons de faire. Nous allons à leur rencontre dans cette série «Gérer la crise».


Entreprise: Santé Vision, clinique d’optométrie 

Type d’entreprise: clinique d’optométrie et boutique de lunettes et de lentilles cornéennes 

Contact: Carole Roth, propriétaire

Q  Votre situation avant la crise? 

R  Je suis optométriste à Lac-Beauport où j’ai ouvert ma clinique il y a cinq ans, un projet que j’ai parti de zéro. À l’époque, ça faisait 20 ans que j’étais optométriste. J’avais aussi une grande expérience sur le plan humanitaire parce qu’au travers de ma pratique, j’avais fait des examens à domicile pour les personnes âgées, j’avais travaillé en psychiatrie à l’Hôpital Robert-Giffard où je faisais les examens de la vie des patients et j’avais même fait une mission humanitaire au Pérou avec Optométristes sans frontière.

J’offre à ma clinique des services d’examen de la vue, de santé oculaire et de dépistage des maladies de l’œil pour toute la famille. J’ai également une boutique où il est possible de se procurer une gamme variée de lunettes, de lentilles cornéennes et de lunettes sportives (solaires et ophtalmiques) adaptées aux différents sports. Cinq personnes travaillent avec moi à la clinique.

Q  Quelles ont été les conséquences de la crise? 

R  Au début de la crise, j’ai dû fermer ma clinique. J’ai ensuite pu la rouvrir en étant équipée afin d’assurer ma sécurité et celle des patients. Mais à cause des restrictions imposées par la Santé publique, je suis limitée aux urgences comme les infections, les corps étrangers reçus dans un œil, les décollements de rétine, etc. L’Ordre des optométristes nous avait fourni la liste des interventions jugées urgentes. Au début, elle était plus courte et depuis, elle s’est allongée. Le remplacement de lunettes brisées pour une personne souffrant d’une forte myopie est maintenant considéré comme une urgence parce que sans ses lunettes, cette personne ne voit rien. Malgré la situation. On a fait du mieux que l’on pouvait pour offrir des services aux gens et leur faire sentir que l’on était toujours là.

Les urgences sont cependant les seuls services que je peux offrir en clinique depuis le début de la crise. Ces urgences représentent moins de 10 % de la clientèle que je recevais habituellement en clinique. À long terme, aucun spécialiste de la santé ne peut fonctionner de cette manière. C’est impossible.

Q  Comment avez-vous réagi? 

R  Et étant donné que la clinique est mon entreprise, mon bébé, je fais des pieds et des mains afin de la garder en vie. Et j’ai trouvé des idées afin de m’aider à passer à travers la crise. Comme j’ai vraiment la santé de mes patients à cœur, j’ai fait les suivis avec mes patients en téléoptométrie et en les appelant. J’en ai traité certains à distance et je me suis occupée d’appeler les pharmacies afin de prescrire les traitements nécessaires. J’ai aussi travaillé en collaboration avec une médecin de Lac-Beauport qui m’a référé des patients qu’elle voyait en télémédecine. Finalement, j’ai appelé un par un mes 5000 patients pour prendre de leurs nouvelles et je me suis occupée de livrer des lentilles cornéennes à ceux qui en avaient besoin. C’est un service qui a beaucoup été apprécié par les gens et qui m’a permis d’avoir de nouveaux clients de l’extérieur, des personnes qui avaient entendu parler de moi par un ami ou un membre de leur famille client chez nous. J’ai essayé de m’occuper de mes gens du mieux que je pouvais à distance en attendant de pouvoir les voir en personne. Et je ne cache pas que recevoir les gens à ma clinique, leur parler, prendre des nouvelles et les écouter me manquent beaucoup en ce moment.

Q  Quelles pourraient être les conséquences de la situation actuelle? 

R  Je crois que si les cliniques d’optométrie ne peuvent pas ouvrir de façon complète très bientôt, c’est tout le système de santé qui pourrait en prendre un coup. Un problème mineur pourrait devenir une urgence si on tarde trop à le traiter. Il y a aussi beaucoup de travail qui se fait en prévention et si on est longtemps sans voir un patient, on peut passer à côté de certaines choses.

Finalement, le confinement pourrait aussi avoir un impact sur la vision des gens. C’est prouvé que lorsque des personnes passent beaucoup de temps sur leur ordinateur, leur tablette ou leur téléphone intelligent, la vision de loin de certaines baisse parce que la vision de près a été trop sollicitée. On risque donc d’avoir pas mal de travail d’ici peu parce que tout le monde est là-dessus. On souhaite donc que l’on ne sera pas fermé complètement encore trop longtemps afin de pouvoir prendre soin de notre monde.

Q  Comment voyez-vous l’avenir? 

R  Je pense que tout ce qui est virtuel et la livraison à distance peuvent être un beau complément. Mais cela ne remplacera jamais la présente humaine. Surtout dans le domaine de la santé en général, on a besoin de voir les gens en personne. Il faut avoir un véritable contact avec nos patients, sentir leur pouls, etc. Et en tant qu’optométriste, je ne peux pas faire d’examen de la vue à distance.

Je ne compte cependant pas transformer ma clinique en ne faisant que des ventes de montures par Internet. Je n’y crois pas. Je pense que même au niveau de la monture, il faut donner du service personnalisé sur place pour aider les gens au niveau de la grandeur, de l’ajustement, etc. Et j’aime trop le contact avec les gens.

J’aimerais cependant continuer à offrir un service de livraison pour les lentilles cornéennes. Je me dis que si les gens ne sont pas capables de se déplacer en clinique, je vais quand même pouvoir répondre à leurs demandes.