«On parle beaucoup des aînés actuellement et de comment la crise de la COVID est en train de les impacter du côté de la santé physique», a expliqué le professeur Olivier Ferlatte, du Centre de recherche en santé publique de l’Université de Montréal.
«On voulait voir (...) quel impact le confinement a sur leurs vies de tous les jours, mais aussi sur leur bien-être mental. On veut aussi savoir quelles stratégies les aînés utilisent en ce moment pour faire face à cette crise-là et gérer l’isolement et le confinement.»
Chaque participant sera tout d’abord rencontré individuellement pour qu’on lui explique le projet et qu’on prenne connaissance de ses préoccupations.
Trois groupes d’une vingtaine d’aînés se rencontreront ensuite virtuellement une fois par semaine, pendant trois semaines: un groupe sera composé d’aînés vivant dans une résidence, un groupe d’aînés issus de la communauté LGBTIAQ+ et un groupe d’aînés vivant avec des problèmes de santé chroniques.
«On veut amener les aînés à photographier leur quotidien, a dit M. Ferlatte. Plusieurs ont une tablette ou un téléphone intelligent, donc ils vont prendre des photos (...) de leur confinement, leurs stratégies, leur bien-être, l’impact sur leur santé mentale.
«Une semaine après avoir pris les photos, on va les réunir en ligne sur un groupe Zoom (...) afin qu’ils puissent partager leurs photos, mais aussi partager leurs expériences avec d’autres aînés. Ça va nous donner l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la perspective des aînés sur cette crise-là et comment ils la vivent.»
Les participants seront recrutés par l’entremise de résidences pour aînés ou d’organismes qui offrent des services aux groupes ciblés.
M. Ferlatte espère que ces rencontres permettront aux aînés de partager et d’échanger.
«Puisqu’ils vont rencontrer d’autres aînés, ça va être aussi un peu une occasion pour eux de vaincre cet isolement-là, a-t-il dit. Peut-être qu’ils pourront partager des trucs et astuces afin de mieux vivre cette crise-là. En partageant avec d’autres en groupe, je pense que certains vont se dire, «je n’avais pas pensé que je pourrais faire ça», développer des idées ou des trucs qui vont peut-être les aider.»
Indépendance perdue
Plusieurs aînés qui étaient indépendants et actifs se retrouvent maintenant chez eux, essentiellement à se tourner les pouces.
«On parle beaucoup des aînés un peu comme des victimes de cette crise-là, a déploré M. Ferlatte. Oui, plusieurs ont été malades et c’est dramatique, mais en même temps ils s’adaptent très bien, ils sont très résilients, donc ce qu’on aimerait démontrer, c’est toutes les ressources que ces personnes-là ont afin de gérer leurs activités et leur confinement, énumérer et partager les bons coups, et aussi identifier où les intervenants (...) pourraient intervenir aussi. On aimerait cerner quels sont les besoins sur lesquels on pourrait intervenir pour s’assurer que les aînés vont (bien) pendant cette période-là.»
Ces rencontres et échanges ne pourront, par la force des choses, que se faire de manière virtuelle. M. Ferlatte ne croit pas que cette «barrière technologique» représentera un obstacle important pour les participants. Il prédit même que certains en profiteront pour apprendre de nouvelles choses.
«Des fois c’est un peu un préjugé de penser qu’ils ne peuvent pas utiliser ces technologies-là (...) alors qu’en fait plusieurs les utilisent et sont connectés, a-t-il dit. Il y a peut-être des aînés qui vont apprendre comment utiliser les technologies à travers le projet. (...) Il y en a peut-être qui ne sont pas très à l’aise et à qui on va apprendre comment mieux partager les photos ou des trucs comme ça, comment faire des rencontres virtuelles, donc peut-être que ça va amener un nouvel apprentissage pour les aînés.»
L’isolement risque de durer encore un bon moment pour les aînés, peut-être encore plus longtemps que pour d’autres membres de la population.
Avec ce projet, les chercheurs espèrent leur donner une voix pour qu’ils puissent témoigner de leur réalité.
«On leur demande des photos parce qu’on veut qu’ils soient en charge de décrire leur perspective, au lieu de nous arriver avec nos questions préétablies sur leur expérience, a dit M. Ferlatte. On va leur dire, «photographiez, laissez aller votre créativité, qu’est-ce que vous voulez partager de votre expérience que les gens à l’extérieur de votre maison (...) devraient savoir de l’expérience des aînés en confinement».»
D’autres professeurs de l’ESPUM prennent part à cette recherche: Réjean Hébert apportera son expertise dans le domaine gériatrique, Grégory Moullec se penchera sur les aînés atteints de maladies chroniques, Katherine Frohlich observera les inégalités sociales en jeu et Geneviève Gariépy étudiera le contexte épidémiologique relatif aux aînés de Montréal.