Merci aux parents

«La grande proximité relationnelle et affective qui caractérise la relation parent-enfant fait en sorte que l’état psychologique et le comportement des uns se répercutent sur ceux des autres», écrit Marie-Hélène Gagné.

POINT DE VUE / Depuis le début de la crise engendrée par la COVID-19, le premier ministre du Québec a pris l’habitude de remercier divers groupes de personnes pour leur dévouement envers leurs concitoyens. Les travailleurs du domaine de la santé, évidemment, mais aussi les camionneurs, les employés d’épicerie, les travailleurs sociaux… toutes ces personnes qui non seulement combattent le virus, mais nous permettent de conserver un minimum de bien-être et d’équilibre dans nos vies chamboulées. 


Depuis la fermeture des écoles, un autre groupe se démène quotidiennement pour assurer le bien-être de nos jeunes: ce sont les parents. Bien sûr, c’est dans l’ordre des choses que les parents s’occupent de leurs enfants, c’est leur rôle, c’est leur responsabilité. Et pour la plupart, c’est valorisant et épanouissant. Mais à travers le télétravail, le stress du confinement, l’école à la maison, les inquiétudes financières pour plusieurs? C’est du jamais vu. Et c’est à la fois remarquable et préoccupant.

En temps normal, les statistiques disponibles suggèrent que la majorité des parents et des jeunes se portent bien. Par exemple, 95 % des mères et des pères de jeunes enfants considèrent avoir toutes les habiletés nécessaires pour être de bons parents. Autre exemple : 78 % des jeunes du secondaire disent bénéficier d’un niveau élevé de soutien familial. Mais de telles statistiques en cachent d’autres, plus préoccupantes. Entre autres, 35 % des parents de jeunes enfants se disent souvent ou toujours épuisés lorsqu’arrive l’heure du souper, et 15 % se disent souvent ou toujours stressés en raison du comportement ou des difficultés de leurs enfants. Plus d’un enfant sur quatre fréquentant une classe de maternelle au Québec est vulnérable dans au moins un domaine de développement (physique, social, affectif, cognitif, langagier). Parmi les adolescents du secondaire, 29 % affichent un niveau élevé de détresse psychologique.

Et ça, c’était avant. Avant la COVID-19, la fermeture des écoles, le confinement, les pertes d’emploi, l’économie en chute libre. De quoi auraient l’air ces chiffres aujourd’hui? On ne sait pas. 

Ce qu’on sait par contre, c’est que la grande proximité relationnelle et affective qui caractérise la relation parent-enfant fait en sorte que l’état psychologique et le comportement des uns se répercutent sur ceux des autres. Lorsque la famille est soumise à du stress et des conditions de vie défavorables comme c’est le cas maintenant, la capacité des parents à jouer leur rôle peut être compromise, et les enfants peuvent en souffrir et se montrer plus exigeants que d’habitude. D’ailleurs, on apprenait récemment que les services Tel-jeunes et LigneParents sont débordés, recevant un volume de demande d’aide de 30% supérieur à ce qu’ils reçoivent en temps normal.

Ce n’est pas facile d’être parent. Ce l’est encore moins aujourd’hui. Stressés, coupés de leur réseau social, devant s’occuper d’enfants privés de leur routine habituelle et de leurs amis tout en fournissant tant bien que mal une prestation de travail à distance, les capacités d’adaptation des parents québécois sont mises à rude épreuve. Mais ils relèvent le défi. Et c’est en bonne partie grâce à ces parents (et beaux-parents, et parents d’accueil) que nous réussissons comme société à maintenir un semblant de normalité dans une situation totalement hors normes. Nous devons les remercier pour cela. Plus encore, nous devons trouver le moyen de les soutenir au meilleur de nos capacités.

J’invite notre gouvernement à investir dans le soutien psychosocial aux familles fragilisées par la COVID-19. J’invite les intervenants à faire preuve de créativité pour rejoindre et aider ces familles malgré le confinement. Enfin, j’invite notre premier ministre à remercier les parents de veiller sur leurs enfants et de si bien préparer l’après COVID-19.

Marie-Hélène Gagné est professeure en psychologie et directrice du Centre de recherche sur l’adaptation des jeunes et des familles à risques, Université Laval.