Dans un texte publié lundi dans le site Web spécialisé AutoMédia, l’analyste canadien de l’industrie automobile Dennis DesRosiers prédisait un creux d’un demi-million dans les ventes de véhicules neufs pour l’année 2020. Dans le meilleur des scénarios, il prédit une baisse des ventes de 15 % pour l’année. Dans le pire, une chute de 60 %.
Benoit Charette, rédacteur en chef de L’annuel de l’automobile, prédit quant à lui une baisse pouvant aller de 25 à 40 %. «Ça sera un retour à la normale qui sera assez long», dit-il, en comparant la situation à la dernière crise économique majeure qui a frappé notamment les États-Unis en 2008 et en 2009. «À ce moment-là, aux États-Unis, le nombre de véhicules neufs vendus est passé de 15,4 millions d’unités en 2008 à 9 millions l’année suivante. S’en sont suivi deux années de mauvais chiffres [2009 et 2010]. Ça s’est amélioré en 2011 et c’est revenu à la normale en 2012. Ça a pris trois ans pour s’en remettre.»
Pour sa part, le président-directeur général de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), Robert Poëti, ne veut pas envisager de scénario catastrophe. «On va le vivre tous ensemble. C’est intimement relié avec le temps. On parle d’un retour progressif à partir du 13 avril, mais on n’en a pas l’assurance.»
M. Poëti a «de la difficulté à quantifier l’impact» économique de cette crise qui frappe le deuxième secteur en importance au Québec, qui génère 20 milliards $ en retombées annuellement, selon les chiffres de la CCAQ. Le premier secteur au Québec étant la construction.
«La reprise sera difficile. Ce sera difficile de rattraper le temps perdu. Ça aura un impact économique important. Près de 75 % des 40 000 emplois directs ont été touchés. Entre 25 000 et 30 000 personnes ne travaillent plus. Heureusement que le fédéral aide les entreprises, mais on sait que ce n’est pas sans limites», ajoute le pdg.
Il pense surtout aux concessionnaires qui investissent énormément d’argent dans leurs infrastructures. «Certains concessionnaires investissent jusqu’à 6 ou 7 millions $ dans leur bâtisse. Avec les taxes foncières qui vont avec. Un report de taxes foncières, ça ne change rien à la situation. On va travailler pour demander une subvention de taxes auprès des municipalités, car les villes ne peuvent pas légalement accorder des congés de taxes», avance M. Poëti. Il ajoute que les concessions automobiles représentent une valeur foncière de 3 milliards $, ce qui rapporte aux municipalités 200 millions $ en taxes.
Promotions
Éric Lefrançois, chroniqueur automobile à La Presse, croit qu’il y aura énormément de promotions au retour de la crise. «Avec les inventaires costauds en prévision d’un printemps chaud, plein de véhicules neufs seront dans les cours des concessions automobiles. Les gens vont s’attendre à avoir des rabais à l’achat», explique-t-il. «C’est une drôle de situation. J’estime que ce ne sera pas avant le mois d’octobre qu’on pourra voir la lumière au bout du tunnel.»
Il faut se demander également qui aura l’idée de changer de voiture, alors que plusieurs auront perdu leur emploi ou mis à pied temporairement. «Les gens n’auront pas la tête à acheter des autos», estime M. Charette. «Il faudra que ces personnes refassent une bonne santé financière, voire même retrouver un emploi. Certaines entreprises ne passeront pas au travers de cette crise.»
Ventes en ligne
En attendant, les concessionnaires peuvent vendre des véhicules en ligne, même si la Loi de la protection du consommateur n’a pas encore été modifiée.
«On a discuté avec l’Office de la protection du consommateur [OPC] et il est clair qu’il n’est pas possible de changer la loi vite comme ça. Sa présidente nous a dit que “l’OPC utilisera la surveillance de la loi avec jugement et discernement”», explique M. Poëti. «On comprend que pour le moment, on peut procéder ainsi, mais qu’il faudra penser à passer à l’ère 2.0 ou 3.0 après la crise et accepter les signatures électroniques, notamment. On espère que la crise du coronavirus pourra nous faire avancer technologiquement parlant», conclut-il.