Délaisser le gin pour du gel désinfectant

Kevin Pelletier (actionnaire), Dave Ricard (actionnaire et président) et Raphaël Lessard (maître distillateur)

La Distillerie des Appalaches continue sa production d’alcool depuis le début de la crise, étant donné que les succursales de la SAQ demeurent ouvertes. Depuis quelques jours, elle réduit sa production de gin pour se lancer dans la fabrication de gel désinfectant. 


L’entreprise de Lévis n’est pas la seule. Partout au Québec, plusieurs distilleries ont entrepris les démarches pour modifier leur recette. La différence n’est pas bien compliquée, puis Santé Canada met à leur disposition de la documentation claire et détaillée sur la marche à suivre et les produits à utiliser.

«On savait très bien que l’alcool qu’on produisait pouvait être utilisé comme désinfectant, on avait une piste. On a commencé à faire nos recherches après que François Legault ait parlé des problèmes d’approvisionnement», indique Dave Ricard, président et actionnaire de la Distillerie des Appalaches.

Les délais pour les approbations du mélange sont assez longs, étant donné que plusieurs entreprises au pays se tournent vers la fabrication de gel.

«On s’est procuré les produits qu’il nous manquait et on est allé chercher un chimiste pour nous accompagner. Les employés du réseau de la santé sont nos héros, mais ils risquent d’être contaminés avec le besoin criant de désinfectant. On s’est sentis interpellés», confie Dave Ricard.

La pénurie n’est pas juste au Canada, elle est mondiale. La majorité des distilleries du pays se procure son alcool auprès de compagnies américaines, avec l’arrêt des échanges et la fermeture des frontières, elle pourrait bientôt être en manque de stock. Chaque pays garde son alcool pour l’utiliser.

La Distillerie des Appalaches prépare son propre alcool, un avantage dans la crise.

Même si la demande en gin est encore au rendez-vous (avec notamment l’intérêt des consommateurs d’acheter local), l’équipe diminue sa production du fameux Kepler pour la cause, pour aider. «On fait notre part.»

Changer les ingrédients

Une première quantité de gel désinfectant est en route, l’entreprise devrait se faire approuver le mélange cette semaine pour commencer la distribution la semaine suivante : 300 litres pour les établissements de santé. «La priorité est à eux!»

Cette commande-là, ce sera un don.

Ensuite, la Distillerie des Appalaches prévoit fournir quelque 1000 litres par deux semaines. L’équipe s’entendra avec différentes entreprises jugées essentielles (manufacturiers, agents de sécurité...) qui ont des besoins et évaluera les prix. Elle doit quand même assurer quelques coûts reliés à la préparation et à l’achat des nouveaux ingrédients qu’elle n’a pas l’habitude de manipuler.

«Avec nos équipements, on est en mesure de produire le gel. On va utiliser le même alcool que pour le gin. Il faut le dénaturer pour le rendre non consommable. On va prendre l’alcool non aromatisé et amener la solution autour de 80%, et on va ajouter les produits complémentaires pour créer le gel», explique Dave Ricard.

Comme l’Organisation mondiale de la santé l’explique, il faut ajouter du peroxyde et de la glycérine (on prévoit une semaine de fermentation et une autre pour distiller), puis le tour est joué. «Il y a des proportions à respecter pour être accepté, le protocole ne disparaît pas même en temps de crise.»

S’il le faut, Dave Ricard est prêt à complètement arrêter la production de gin pour se consacrer au gel désinfectant, il attend de voir l’état de la demande dans les prochains jours, et si la crise persistera ou pas. 

Solidarité

Toutes les distilleries qui se sont lancées dans une telle fabrication se serrent les coudes, ils se transmettent des informations et se réfèrent des clients.

«C’est beau la solidarité, on se connaît tous dans le milieu. Les profits passent vraiment en deuxième.»

Dave Ricard devait aussi lancer son nouveau spiritueux d’érable en avril. Il pense à faire une prévente sur son site Web, et pour chaque achat, des sous seront versés à Centraide, afin d’aider les citoyens dans le besoin.

Dans la région de Québec, la Distillerie Vice & Vertu de Saint-Augustin-de-Desmaures a elle aussi mis de côté ses opérations habituelles pour faire de la place au gel désinfectant dans son usine.