C’est la réalité à laquelle sont actuellement confrontées six familles nombreuses interrogées par Le Droit, pour qui le moral est bon et qui ont à elles seules un total de 32 enfants âgés de 10 mois à 15 ans. De quoi remplir presque deux classes du primaire, quand on y songe.
Apprivoiser ce mode de vie temporaire et sédentaire ne s’avère pas une mince tâche. Composer avec le télétravail en présence de la marmaille, gérer son propre stress en tant que parent, limiter voire supprimer les contacts avec les amis et la famille, s’assurer du respect des règles d’hygiène demandées, redoubler d’imagination pour divertir les tout-petits, arriver à maintenir une certaine discipline, tenter de calmer l’anxiété des enfants, etc. Et c’est sans oublier que la routine de base dans la maisonnée ne s’efface pas : toutes les tâches telles que la vaisselle, le ménage, la lessive, la préparation des repas et l’heure du bain sont toujours au programme. Elles ne se sont pas subtilisées avec l’arrivée de la COVID-19, au contraire.
Si les réactions varient d’une personne et d’une famille à l’autre face à cette situation exceptionnelle, tous croient que la pandémie laissera des traces, négatives comme positives.
Liens resserrés
« Mon fils de 7 ans, déjà très anxieux à la base, s’est mis à pleurer quand il a vu un point de presse du premier ministre Legault à la télé. Il disait qu’il ne voulait plus jamais le voir, que c’était de sa faute tout ce qui arrivait. On a dû lui faire comprendre que ce monsieur-là était là pour nous aider. C’est difficile d’expliquer tout cela aux enfants. Qu’on le veuille ou non, ils sont confrontés à toutes ces informations-là dans les médias », lance la Gatinoise Isabelle Morin, mère de quatre enfants, Cindy, Nathan, Loïc et Lucas.
Ça semble renforcer les liens familiaux, on apprend quasiment à se redécouvrir, car avec la routine du travail, de l’école et tout le reste, on a moins de temps normalement. On y voit du bon.
Qu’est-ce qui ressortira de beau une fois la crise derrière nous ?
« Ça semble renforcer les liens familiaux, on apprend quasiment à se redécouvrir, car avec la routine du travail, de l’école et tout le reste, on a moins de temps normalement. On y voit du bon. Même notre ado, qui ne voulait rien savoir de ses frères, nous demande si elle peut aller jouer dans la cour avec eux », raconte-t-elle.
Former une équipe
Au domicile de Julie Poirier, mère de sept enfants, entrepreneure et fonctionnaire fédérale, le quotidien est également chamboulé depuis la mi-mars et ce même si le papa du clan est en temps normal à la maison.
« C’est occupé, bien évidemment. Disons qu’on relâche un peu sur les règles habituelles de la maison, tout en essayant de maintenir ça éducatif le plus possible. Mais oui, il y a plus de jeux libres, c’est certain. Ce qui m’aide, pour le travail, c’est que moi et mon conjoint formons une belle équipe. Les enfants me sollicitent beaucoup, mais quand j’ai des réunions, il s’assure que les enfants ne soient pas trop bruyants à côté de moi. Ils jouent calmement dans une autre pièce et ensuite, la folie recommence », lance-t-elle en riant.
Chose certaine, à force de côtoyer les enfants d’heure en heure, son respect pour le métier d’enseignant ou d’éducatrice à la petite enfance est loin de s’estomper.
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« J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour eux. C’est une vocation. Je l’ai toujours répété : il ne faut pas être là pour le salaire. J’espère que ça fera réaliser au gouvernement l’impact qu’ils ont sur nos enfants. Ça prend tout un village pour éduquer des enfants », dit-elle.
Adaptation
Chez les Groulx, dans le secteur Hull, le confinement se déroule sans anicroche, souligne Geneviève, mère de Jacob, Elliot, Raphaël et Arnaud.
« Surprenamment, mes enfants ne sont pas angoissés du tout, je suis très surprise de leur capacité d’adaptation. À date, ça se passe quand même bien, mais le manque d’activités commence à se faire ressentir lentement mais sûrement. On a un peu fait le tour du jardin. En plus, nous sommes dans une période entre deux saisons, alors on est assez limité à l’extérieur. Les enfants commencent à comprendre peu à peu que ce sera plus long que prévu. Ils prennent conscience que ce n’est pas normal, ce qui se passe. Mais j’ai l’impression qu’à un moment donné, ce ne sera plus si drôle. J’ai même eu droit à la question : va-t-on mourir ? Je les ai rassurés », lance-t-elle.
La femme ajoute que paradoxalement, cet isolement préventif fait indirectement le bonheur de l’un de ses fils.
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« Pour lui, c’est un défi, la vie normale. Se retrouver dans une foule, aller à l’école, c’est stressant. Alors là il est heureux de ne pas être exposé à tout ce qui l’angoisse, en quelque sorte », ajoute-t-elle.
Résilience
Originaire de l’Outaouais et de passage dans la région sur une base régulière, Sophie Francoeur Lahaie, son conjoint et leurs huit enfants (Elizabeth, Charles, Arthur, Laurent, Helene, Maryse, Jeanne et Leon) habitent désormais sur la rive nord de Montréal.
« Le plus grand défi présentement est de les garder confinés dans la maison. J’ai un grand terrain mais il y a encore beaucoup de neige. En plus, je demeure sur une route provinciale sans trottoir donc prendre des marches est plutôt dangereux. Mes trois plus jeunes filles ont beaucoup de difficulté à gérer leur trop-plein d’énergie, donc ça génère des conflits. Mes enfants réagissent plutôt bien par contre. Ils s’ennuient de leurs amis et de la famille mais ils prennent la situation avec beaucoup de résilience, étonnamment ! », affirme la mère.
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Optimisme et réalisme
La Gatinoise Sasha Gaudreault-Rowe, mère de Frédérique, Félixe, Amélie-Ann, Olivier et Guillaume, admet que cette vie temporaire derrière des portes closes a nécessité une bonne part d’adaptation.
« Il faut jongler avec tout ça du mieux qu’on peut. On avec des enfants qui sont tous de niveau scolaire différent, il faut les occuper et du même coup continuer à gérer nos entreprises. La première semaine, on se sentait un peu comme en vacances, mais on a vite réalité qu’il fallait établir un horaire plus normal. On sait qu’on sera là-dedans pour longtemps, alors il faut continuer à avoir un semblant de vie », lance-t-elle.
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Disant vouloir être à la fois optimiste mais réaliste, elle soutient préparer d’ores et déjà ses enfants à la possibilité qu’ils ne reprennent le chemin de l’école qu’à la prochaine rentrée en septembre.
On sait qu’on sera là-dedans pour longtemps, alors il faut continuer à avoir un semblant de vie
Même si maintes cicatrices seront visibles une fois la crise terminée, la maman se tourne vers le futur avec un brin de positivisme.
« Avec l’entraide et le suivi des consignes, j’espère un peu que ça va nous faire réaliser l’impact que l’on peut avoir autour de nous, le fait que chaque individu peut faire une différence. Je pense que ça peut aussi nous faire du bien en tant que société. On fait un gros retour à la base. Des arcs-en-ciel dans les fenêtres, on n’a pas besoin d’une pandémie pour en dessiner », image-t-elle.
Se serrer les coudes
De son côté, Sabryna Morin, son conjoint et leurs quatre enfants sont confinés à Papineauville.
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« J’essaie de limiter les réseaux sociaux, je fais un live par jour. Mes enfants jouent ensemble, nous n’avons pas le câble depuis des années mais nous avons Internet. Mon conjoint va jouer dehors avec son véhicule radioguidé et les enfants. Thomas s’ennuie d’apprendre donc on sort les livres. Mahée adore jouer avec ses Barbies et bricoler. Ellie joue avec son frère [Liam] à toutes sortes de jeux imaginés. Mes enfants font des appels vidéo avec leurs amis et nos familles. Mon conjoint et moi se serrons les coudes, on s’écoute et se console. On travaille avec nos forces. Nous sommes impatients que tout rentre dans l’ordre », relate-t-elle.