La vie d’un ado en temps de pandémie

En réaction au Point de vue À propos des travaux scolaires à la maison de Marie-Claude Tardif paru le 18 mars


Pour la première fois depuis son entrée à l’école, mon fils se voit privé des contacts sociaux, de la routine et des objectifs de la vie quotidienne. Étudiant de 2e secondaire, c’est un grand sportif et un maniaque de robotique. La fermeture de l’école et des activités pour deux semaines (et vraisemblablement pour une durée indéterminée beaucoup plus longue) change radicalement son rythme de vie.

Physiquement d’abord, dans son corps, il ne profite plus des nombreuses heures d’éducation physique et d’entrainement en sport individuel (et il en fait normalement beaucoup!). Je vous garantis, pour avoir vu son sourire quand il patine, que le plaisir de l’entrainement partagé avec ses chums s’ajoute et surpasse de loin les bénéfices physiques du sport. Ce plaisir s’est aussi envolé. Socialement, ensuite, il ne retire plus la valorisation de coacher les plus jeunes. Partis, aussi, la stimulation intellectuelle et les moments d’amitiés des midis-robotiques avec d’autres adeptes et leur passionné professeur. Finalement, ses apprentissages académiques sont suspendus, en même temps que les contacts avec ses professeurs et collègues de classe, stimulants essentiels de sa jeune existence.

Sa vie est en suspens. Parce que c’est tout ça la vie d’un ado de 14 ans. Et pour lui, tout ça a un sens et est important, en temps normal.

Il va à l’école privée. Et je suis très heureuse que sa vie, sa réalité à lui, soit assez importante et valorisée pour que ses professeurs lui offrent les moyens de la poursuivre différemment. Je salue son école, privée et dynamique, et la merveilleuse équipe de professeurs qui la forment! Ils semblent voir dans leur rôle d’enseignant beaucoup plus qu’une présence physique dans une salle de classe. Ils nous montrent qu’enseigner, c’est accompagner un étudiant dans son apprentissage, oui, mais aussi accompagner une personne dans sa vie. Et je suis heureuse qu’ils aient trouvé une façon, adaptée aux circonstances, pour poursuivre l’accompagnement de mon fils. Ils lui permettent de continuer, différemment, son projet de vie : être un étudiant de 14 ans en 2e secondaire, sportif, en contact avec son milieu, mais en temps de pandémie.

Chapeau pour votre créativité dans l’enseignement à distance au secondaire!

Les détresses les plus grandes, dans les prochains jours, voire semaines, seront peut-être l’isolement, puis le désœuvrement. Le suivi pédagogique offert par ses profs permettra à mon grand de se rattacher à des objectifs à court terme, et surtout à garder le contact social avec les gens qui connaissent et partagent son quotidien.

Il a accueilli avec intérêt son plan de travail. Et même avec l’enthousiasme nécessaire pour partir courir avec son chien, Fit bit au poignet, les 35 minutes suggérées par le professeur d’éduc! Par lui-même, seul. Quel plaisir, au retour, d’envoyer la capture d’écran de la séance dans la boite de dépôt du devoir via Google Classroom!

Sourire aux lèvres, ce matin, après s’être levé tôt par lui-même, s’être habillé et avoir déjeuné rapidement, il m’a lancé, écouteur à l’oreille : «J’fais des maths avec Philippe sur Facetime, m’man!» Rires et discussions mathématiques ont suivi. Instant de plaisir intellectuel d’une part, et de bonheur maternel de l’autre…

Il a 14 ans, c’est sa vie, son projet d’école. Ça se passe entre lui et ses professeurs. Ça lui demande de la volonté personnelle et de l’organisation. Pour en avoir discuté avec lui, je vous assure qu’il ne voit pas que l’école «a décidé de continuer à gérer son temps». Il voit son école qui l’aide à poursuivre ce qu’il doit faire, son 2e secondaire. C’est à lui plutôt de gérer son temps pour y parvenir. Et je suis heureuse de l’importance que ses professeurs accordent à sa vie d’ado de 14 ans, et à cet objectif!

Contrairement à ce que vous écrivez, madame Tardif, j’ai l’impression que ses professeurs semblent avoir compris l’essence même de l’enseignement : la relation. Ils y mettent du temps et restent en contact. Mais j’abonde dans votre sens pour la suite : «En ce moment de crise, nos jeunes ont besoin de trouver leur place. Ils doivent apprendre à se responsabiliser et à faire leur part.» Bien d’accord! Mais lorsque vous ajoutez : «laissez les parents gérer leurs enfants pour une fois!», j’ose répondre : laissez les jeunes se responsabiliser face à leurs études et leurs activités. Si l’accompagnement est possible pour les professeurs, pourquoi n’accompliraient-ils pas leur mission?

Je crois que la pandémie permet d’être créatif et nous oblige à trouver de nouvelles façons de faire pour continuer à cheminer. Gardons le cap!