L’entreprise québécoise se place à l’abri de ses créanciers; 18 millions $ sont garantis et 14 millions $ sont non garantis. Une soixantaine d’employés du siège social de Saint-Augustin ont été mis à pied, de façon temporaire, insiste-t-on. Louis Garneau dit entamer une période de «restructuration».
«On est dans une business qui me passionne, c’est ma vie, ça porte mon nom. C’est très difficile, mais je ne lâcherai pas. Ce n’est pas une faillite, c’est une protection», a fait savoir le président fondateur en conférence de presse.
Après 37 ans d’activité, Louis Garneau a déposé mardi un avis d’intention en vue de présenter une proposition à ses créanciers en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
L’entreprise dit vouloir utiliser la période de protection offerte par la loi pour «apporter les modifications nécessaires à ses opérations dans le contexte difficile qui frappe l’industrie et le commerce au détail en général».
Rebâtir
Louis Garneau s’est montré clair, il n’a pas dit son dernier mot. «C’est ma vie. J’espère revenir plus gros. Je continue parce que j’y crois», a-t-il répété à maintes reprises.
Il reste quelque 80 employés de Louis Garneau à Québec. Tous les départements ont subi des pertes afin de réduire les frais. Le but est que l’entreprise puisse continuer les activités avec le personnel minimal. Louis Garneau n’est donc pas seul, son équipe continue de travailler avec lui pour ce deuxième souffle. Tous, sauf l’équipe des finances, qui a choisi de partir quand les choses ont commencé à mal tourner.
Au sujet des coupes, Louis Garneau avoue qu’il aurait pu mettre à pied des employés plus tôt, afin de remonter la pente plus facilement, mais «par respect», il a attendu le plus longtemps possible.
Après la mauvaise nouvelle, annoncée mardi midi, il s’est dit «profondément attristé» et «sincèrement désolé».
«Avec la crise qui frappe le marché, c’est un véritable vent de face que nous devons affronter. Nos problèmes ont débuté il y a 36 mois avec les faillites de deux de nos plus gros clients à l’international.»
Louis Garneau n’a plus de liquidités, voilà le problème. Ces deux fermetures majeures auront eu trop d’impacts négatifs.
Plusieurs changements stratégiques et opérationnels seront faits prochainement pour assurer la rentabilité de l’entreprise à l’avenir. Un plan de redressement sera bientôt présenté aux créanciers.
L’homme d’affaires veut se relever, comme après une chute à vélo. Il est d’ailleurs en quête d’investisseurs pour finaliser son financement. Les investisseurs québécois auront priorité.
Il est aussi à noter que l’avis d’intention déposé ne touche pas Louis Garneau USA inc., Louis Garneau Mexico inc. et Sugoi Global inc. Les opérations de Louis Garneau Sports devraient se poursuivre normalement.
Milieu difficile
«C’est très difficile d’être dans un milieu international où le commerce du détail est en train de changer à la vitesse grand V. J’ai décidé de ne pas abandonner, ç’a toujours été ma marque de commerce», confie aussi Louis Garneau.
Il insiste pour dire qu’il n’attend pas de subvention du gouvernement, même qu’il n’en veut pas. «On n’a jamais reçu de subventions. On a dit il y a deux ans que Louis Garneau avait reçu une aide de 2 millions $. L’aide, c’est un prêt.»
Dans la même lancée, il espère que les internautes s’abstiendront de mauvais commentaires sur les réseaux sociaux. «On a besoin de compassion. Par respect pour mes employés, ma famille, l’organisation. Ne soyez pas méchants, on n’a pas besoin de ça.»
Au mois de septembre dernier, la compagnie annonçait mettre un frein à la production de vêtements à Saint-Augustin-de-Desmaures. La pénurie de main-d’œuvre justifiait la fermeture de l’unité de production textile, qui a provoqué la perte de 46 emplois.
C’est précisément à cet endroit que tout avait commencé pour Louis Garneau. La nouvelle avait été dure à encaisser. L’entreprise avait dit transférer la production québécoise dans son usine du Mexique. La moyenne d’âge des travailleurs de là-bas représente un avantage. Selon l’entrepreneur, l’avenir du Québec n’est pas dans le secteur manufacturier.
Quelque 250 personnes sont à l’emploi de Louis Garneau dans le monde. Et rappelons que la compagnie est au nombre des créanciers du détaillant spécialisé en sports et plein air La Cordée, qui s’est également protégé de ses créanciers il y a un peu moins de deux semaines.
Sacrifices
L’homme d’affaires a tenu à dire qu’il ne se verse plus de salaire depuis plusieurs mois et qu’il a investi lui-même, avec son argent personnel et celui de sa conjointe, dans son entreprise.
Il assure qu’il sera aux Jeux olympiques cet été. Il entend garder tous ses clients et tous ses fournisseurs. Serait-il prêt à laisser les rênes de l’entreprise à quelqu’un d’autre s’il le faut? Oui. Il souhaite rester présent, mais accepte de passer au deuxième rang.
Louis Garneau a aussi manifesté son intention de céder l’entreprise à ses enfants, cet objectif n’a pas changé. Il espère que la compagnie continuera de vivre dans leurs mains, plus forte qu’avant, même.
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LE MAIRE JUNEAU CONFIANT
«M. Garneau a démontré au cours de sa carrière qu’il était capable de se relever lorsque ça va moins bien. Je ne suis pas trop inquiet. Je ne crois pas que ça va être la fin», lance Sylvain Juneau, maire de Saint-Augustin-de-Desmaures, ville qui a vu naître et croître l’équipementier sportif.
«C’est une entreprise qui est là depuis très longtemps. Elle a fait sa marque sur les plans provincial et national et même international depuis quelques années. J’ai confiance. Surtout qu’il a déclaré vouloir garder son siège social à Saint-Augustin», ajoute le maire.
M. Juneau a une pensée bien particulière pour les travailleurs qui ont perdu leur emploi. «Au moins, c’est le plein emploi. Je leur souhaite de se replacer rapidement. Ça reste que c’est toujours une claque dans la face.»
Le maire n’avait pas encore discuté avec Louis Garneau au moment où il a parlé au Soleil. Il comptait le faire dans les heures à venir. «Il a tenté de m’appeler. J’étais en rencontre. Lorsqu’il avait mis à pied une quarantaine d’employés, il avait aussi voulu m’aviser. Il a toujours fait les choses avec beaucoup de classe», conclut-il. Avec Jean-François Néron