Errance sans retour: pour ne pas oublier les Rohingyas

Les documentaristes Mélanie Carrier et Olivier Higgins, les deux concepteurs de l’exposition Errance sans retour présentée pour un an au Musée national des beaux-arts du Québec.

Vu de l’Occident, difficile d’imaginer la vie des 600 000 réfugiés rohingyas entassés dans un camp du Bangladesh, le plus grand au monde, après avoir fui la violence au Myanmar. Si leur sort se déroule dans l’indifférence de la communauté internationale, les documentaristes Olivier Higgins et Mélanie Carrier, ainsi que le photographe Renaud Philippe, eux, n’ont rien oublié. De leur séjour bouleversant là-bas est née l’exposition Errance sans retour, à l’affiche au Musée national des beaux-arts du Québec.


À cet égard, le lieu de présentation — le bloc cellulaire du pavillon Charles-Baillargé, une ancienne prison — se veut symbolique. Ce lieu d’isolement et de souffrance renvoie à celle de cette minorité musulmane persécutée au Myanmar (l’ex-Birmanie), victime d’un génocide dénoncé par l’Organisation des Nations unies.

Olivier Higgins parle d’«une cicatrice marquante» pour qualifier ce qu’il a vu dans ce camp. «C’est tellement gros. On parle du génocide, d’un peuple, c’est sérieux...» Des images qui le hantent encore, d’où l’émotion qui l’a étreint, en conférence de presse, lorsqu’il a lu un poème inspiré de son expérience. «Quand tu survis à un génocide et à ces violences, tu ne peux pas rester le même», ajoute Mélanie Carrier pour expliquer le choix du titre.

Les deux documentaristes, un couple à la ville, ont travaillé d’arrache-­pied pour monter cette exposition multidisciplinaire qui se décline en six tableaux distincts, présentés dans autant de cellules. L’exiguïté des lieux — difficile d’être plus de deux ou trois en même temps —procure une intimité et une proximité d’autant plus émouvante.

Photographies, extraits vidéo, ambiances sonores captées sur place, dessins d’enfants rohingyas, réplique miniature d’une partie du camp avec figurines de polymère créées par l’artiste Karine Giboulo, autant d’éléments qui ajoutent une sensation d’immersion à cette expérience hautement émotive.

En fin de parcours, le visiteur est appelé à écouter le témoignage de Mohammed Shofi, un membre de la communauté rohyngas qui a vécu pendant 18 ans au camp de réfugiés de Kutupalong. Établi à Québec depuis 2008 avec sa mère et quelques membres de sa famille, le jeune homme a collaboré à l’important travail de traduction du long-métrage documentaire sur ce drame, également fruit du travail du couple Carrier-Higgins, qui prendra l’affiche à l’automne. En conférence de presse, le jeune homme a lui aussi préféré faire parler la poésie : «Tout ce que je veux, c’est être libre».

«C’est dur à expliquer en mots ce que j’ai pu vivre. C’est encore difficile à regarder», confie dans un excellent français celui qui fait partie de la vingtaine de familles rohingyas qui ont trouvé refuge dans la capitale.

L’exposition Errance sans retour est présentée au pavillon Charles-Baillairgé du Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’au 24 janvier 2021. L’entrée est gratuite.