La COP25, une occasion «ratée» de répondre à l’urgence climatique

La présidente de la COP25 et ministre chilienne de l’Environnement, Carolina Schmidt, a mis un terme, dimanche, à la conférence qui a débordé de plus de 40 heures son programme initial.

MADRID — La communauté internationale réunie à Madrid pour la COP25 a «raté une occasion importante» d’être à la hauteur de la «crise climatique», a regretté dimanche le secrétaire général de l’ONU, à peine la réunion terminée.


«Je suis déçu du résultat de la COP25», a déclaré Antonio Guterres dans un communiqué. «La communauté internationale a perdu une occasion importante de faire preuve d’une ambition plus grande en matière d’atténuation [réduction des émissions de gaz à effet de serre], d’adaptation et de financement de la crise climatique», a-t-il insisté.

«Nous ne devons pas abandonner, et je n’abandonnerai pas.»

Après une année marquée par des catastrophes climatiques tous azimuts, les appels vibrants de millions de jeunes descendus dans la rue derrière la jeune Suédoise Greta Thunberg, et des rapports scientifiques toujours plus glaçants, les quelque 200 signataires de l’Accord de Paris étaient sous une pression sans précédent pour cette COP25 présidée par le Chili, mais délocalisée à Madrid en raison de la crise qui frappe le pays d’Amérique du Sud.

Mais au terme de cette conférence qui a débordé de plus de 40 heures son programme initial, tout le monde n’a pas vu dans les textes adoptés dimanche le reflet de cette demande d’actions radicales et immédiates. Cette COP «laisse un goût doux-amer», a commenté la ministre espagnole de l’Environnement, Teresa Ribera.

Le texte final appelle effectivement à des «actions urgentes» pour réduire l’écart entre les engagements et les objectifs de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à + 2 °C, voire + 1,5 °C. Mais le langage est «tortueux» et le résultat «médiocre», a estimé Catherine Abreu, du Climate Action Network.

«Lointain souvenir»

«Les principaux acteurs dont on espérait des avancées n’ont pas répondu aux attentes», a déclaré Laurence Tubiana, architecte de l’Accord de Paris, notant toutefois que l’alliance des États insulaires, européens, africains et latino-américains, avait permis d’«arracher le moins mauvais résultat possible, contre la volonté des grands pollueurs».

Un projet de texte sur les ambitions présenté samedi par la présidence chilienne avait provoqué une levée de boucliers de ces États, forçant à un nouveau round de consultations.

Mais malgré les améliorations, certains pays particulièrement touchés par les dérèglements climatiques ont exprimé leur colère. Le résultat «n’est pas proche du tout de ce que nous voulions. C’est le strict minimum», a dénoncé la représentante climat des Îles Marshall Tina Stege.

«Ces discussions reflètent le décalage entre les dirigeants d’un côté et l’urgence montrée par la science et les demandes des citoyens dans les rues», résume Helen Mountford, du think tank World Resources Institute, estimant que l’esprit de l’Accord de Paris n’était plus qu’un «lointain souvenir».

L’experte en choix collectifs en matière de changements climatiques d’Équiterre, Caroline Brouillette, relève un «énorme gouffre» entre ce qui a été discuté et ce qui était réclamé dans les rues partout à travers le monde.

Clivage entre les pays

Jointe à son retour au pays, la chercheuse a dit avoir constaté un second clivage, à même les tables de négociation cette fois, entre les pays qui négocient de bonne foi et les grands émetteurs de gaz à effet de serre qui se livrent à de l’obstruction, comme les États-Unis, le Brésil et l’Australie.

«Plus la mobilisation climatique gagne du terrain, plus ceux et celles qui bénéficient du système actuel d’exploitation des énergies fossiles résistent», analyse-t-elle.

Pour Léa Ilardo, co-porte-parole du collectif étudiant La planète s’invite à l’Université, ce sommet des Nations unies laisse un goût particulièrement amer.

«C’est très difficile à accepter. Ça fait un an de mobilisation pour ma part, mais des années et des années pour beaucoup d’autres personnes, notamment les peuples autochtones qui sont au premier rang de cette lutte. Mais finalement, il n’y a aucune ambition au niveau politique et encore du temps de perdu. Ça s’est terminé avec des textes finaux qui sont très faibles, quasiment vides», se désole-t-elle.

La jeune militante s’était elle aussi rendue à Madrid pour l’occasion, en tant que membre des délégations d’ENvironnement JEUnesse et de l’Université de Sherbrooke, où elle étudie à la maîtrise en politiques appliquées.

Si le discours de la militante suédoise Greta Thunberg à la COP24, l’an dernier, avait galvanisé le mouvement citoyen, cette COP25 devrait elle aussi inciter à miser sur «le pouvoir de la rue», estime Léa Ilardo.

Caroline Brouillette souligne pour sa part que, malgré son rôle «relativement collaboratif» sur la scène internationale, le gouvernement canadien doit maintenant faire ses devoirs à la maison.

«On ne peut se targuer d’être un leader climatique et continuer à favoriser, via la subvention des énergies fossiles, entre autres, ce secteur-là.»

Au rythme actuel des émissions de CO2, le mercure pourrait gagner jusqu’à 4 ou 5 °C d’ici la fin du siècle.

Et même si les quelque 200 signataires de l’Accord de Paris respectent leurs engagements, le réchauffement pourrait dépasser les 3 °C.

Alors, pour tenter de réduire cet écart, tous les États doivent soumettre d’ici la COP26 à Glasgow l’année prochaine une version révisée de leurs plans de réduction d’émissions. Mais les deux semaines de discussions ont mis en pleine lumière une division flagrante au sein de la communauté internationale en matière d’ambition.  Avec AP