Amende record pour CFG Construction

Le 11 septembre 2012, le camionneur Albert Paradis, père de trois enfants, a trouvé la mort lorsque son camion, dont le système de freinage était déficient, s’est renversé dans une courbe.

À faute lourde, amende pesante. La Cour du Québec impose une amende record de 345 000 $ à l’entreprise CFG Construction, coupable de négligence criminelle ayant causé la mort d’un camionneur en septembre 2012.


Le 11 septembre 2012, le camionneur Albert Paradis est envoyé par son employeur chercher des rebuts d’acier dans un chemin forestier du chantier du parc éolien de la Seigneurie de Beaupré. Il a comme consigne de charger le conteneur de son camion au maximum de sa capacité.

Les freins du vieux camion Volvo fonctionnent à 53 % de leur capacité et le système de freinage n’a pas moins de défectuosités majeures. L’insouciance du mécanicien et du dirigeant du garage de CFG Construction est à blâmer, tranchera la juge Hélène Bouillon.

Le camion va se renverser dans une courbe et sera retrouvé au bas d’une pente. Albert Paradis, 50 ans, père de trois enfants, meurt seul, à côté de son poids lourd.

Les dirigeants de l’entreprise CFG Construction ont laissé Paradis conduire un camion vétuste dont ils savaient les freins déficients, conclut le tribunal.

Ils méritent aujourd’hui une peine significative pour punir un comportement «qui a porté atteinte aux valeurs de notre société et notamment celles entourant la santé et la sécurité du travail», écrit la juge Bouillon. La peine doit de plus «envoyer un message clair à toute entreprise qui serait tentée d’adopter cette même conduite», ajoute-t-elle.

Le Code criminel prévoit que l’amende est la seule peine pouvant être imposée à une organisation reconnue coupable d’une infraction criminelle.

Pour cette négligence criminelle qui s’est étalée sur plusieurs mois, la Couronne réclamait une amende de 500 000 $, du jamais-vu au Québec.

La défense soutenait qu’en raison de sa faible capacité financière, CFG Construction devrait se voir imposer une amende 10 fois moindre, soit 50 000 $.

La juge Bouillon a choisi d’imposer une amende globale de 345 000 $ qui sera payable sur quatre ans.

CFG a tiré profit de sa négligence, rappelle la juge Bouillon, car les sommes qui auraient dû être investies dans l’entretien et la réparation du camion «ont clairement constitué un avantage pour CFG Construction, soit celui de se sortir au plus vite de son impasse économique et de son insolvabilité».

Risque de récidive

Depuis 2012, CFG a été condamnée à de nombreuses reprises pour des infractions à divers règlements et au Code de la sécurité routière. Sa licence d’entrepreneur en construction a été suspendue durant un mois en 2018.

«Une entreprise avertie à répétition par les autorités compétentes et par les tribunaux, qui n’apporte pas de changements significatifs à ses comportements répréhensibles et dangereux, compromet la sécurité sociale», écrit la juge Bouillon, ajoutant que la réhabilitation de l’entreprise est loin d’être acquise et que le risque de récidive est toujours présent.

Exceptionnelle probation

Le nombre d’infractions de toutes sortes démontre que les faibles mesures mises en place par l’entreprise ne sont pas suffisantes pour assurer la sécurité des 60 travailleurs à temps plein et 250 employés occasionnels sans compter celle du public.

C’est pour cette raison que la juge Hélène Bouillon a choisi de mettre CFG Construction en probation durant trois ans, mesure inusitée dans le monde des entreprises.

CFG devra embaucher un consultant externe qui évaluera la situation et proposera des correctifs.

L’entreprise devra notamment donner une formation annuelle à ses employés sur la conduite de véhicule lourd et fournir aux autorités une copie du rapport annuel d’inspection de la SAAQ.

CFG Construction a interjeté appel de sa condamnation en Cour du Québec.

L’entreprise devra verser au total près de 200 000 $ à la CNESST pour le décès de son travailleur, dont 120 000 $ ont déjà été remis à la veuve d’Albert Paradis.

La compagnie s’expose aussi à des amendes de 83 000 $ selon l’évolution du dossier pour les accusations pénales.

Plus de sept ans après le décès de son mari, Sylvie Dionne était de nouveau de retour dans une salle de cour, pas très loin de Franky Glode, le patron d’Albert Paradis.

En parallèle à la preuve froide et technique, la juge Bouillon a retenu beaucoup de choses du témoignage de la veuve et de ses trois enfants, lors des représentations sur la peine. «La présence d’une douleur qui transperce la peau, la perte de la paix de l’âme, un vide immense, une rage indescriptible, un ouragan subi de plein fouet et la sensation de basculer dans le vide», résume la juge.