Chronique|

Quatre députées contre l’imbécillité

La députée caquiste de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy, a déposé une résolution à l’Assemblée nationale mercredi sur cyberintimidation faite aux femmes.

CHRONIQUE / Ce n’est pas une résolution parlementaire parmi tant d’autres qui a été adoptée à l’Assemblée nationale mercredi. C’est une résolution dont les propos et le sens devraient être entendus et partagés par le plus grand nombre de citoyens. Elle porte sur la cyberintimidation faite aux femmes.


Elle donne à lire et à entendre la bêtise crasse de tant de harceleurs à la petite semaine. Elle expose un problème de société dont nous pouvons tous être victimes. Cette motion parlementaire a été présentée par la caquiste Chantal Soucy.

D’abord, merci à elle, ainsi qu’aux autres femmes députées de l’Assemblée nationale d’avoir soulevé le couvercle gris des poubelles où se cachent tant de personnes, où se tapissent tant de harceleurs — anonymes ou pas.

Et dire qu’ils prennent leur logorrhée et leur dénigrement pour de l’expression ou de l’opinion!

Ce problème d’attaques personnelles n’est pas le seul fait d’hommes et beaucoup d’entre eux en sont également victimes. Ne l’oublions pas. Mais le dénigrement prend une forme particulière lorsqu’il est dirigé contre des femmes.

Les «réseaux sociaux» ont peut-être permis de faire apparaître le meilleur, mais ils ont aussi libéré le pire. Le «phénomène», comme on dit bien pudiquement, ne date pas d’hier.

Le problème, c’est qu’il perdure. Le drame, c’est qu’il s’incruste.

Et il ronge des gens. Des jeunes et des moins jeunes.

Les dénonciations et les appels au sens civique, malheureusement, ont toujours eu peu de portée.

Merci à la caquiste Chantal Soucy, à la libérale Paule Robitaille, à la solidaire Christine Labrie et à la péquiste Méganne Perry Mélançon d’avoir soulevé mercredi le couvercle sur ces saletés en plein Salon bleu, au cœur même de l’Assemblée nationale du Québec.

«Pauvre dinde»

Citons ces députées.

Chantal Soucy : «Ayons une pensée pour toutes ces femmes et spécialement pour les jeunes filles qui subissent de la cyberintimidation jour après jour. Vous savez ce qu’il y a de plus terrible avec la cyberintimidation? C’est qu’elle ne s’arrête jamais. Elle pousse malheureusement trop souvent des jeunes à commettre l’irréparable […]. L’hostilité en ligne freine l’engagement politique, spécialement chez les femmes.»

Paule Robitaille : «Combien d’entre nous, politiciennes, femmes publiques, femmes qui osent sortir du lot, femmes qui portent le voile ou la mini-jupe, adolescentes, jeunes filles, sommes-nous à être ciblées par la vindicte misogyne du Web? Pour moi, ces attaques se vivent comme une tempête. D’abord, une pluie fine d’insultes, ensuite le rythme s’accélère. La charge d’une armée de trolls forts de leur anonymat qui dénigrent, ridiculisent et détruisent. Cela peut durer 24, 48, 72 heures, et puis la tempête se calme jusqu’à l’autre bourrasque.»

Chistine Labrie : «Voici des exemples de mots reçus par moi et par les quatre autres femmes de mon caucus : “pauvre dinde”; “maudite folle”; “quelle conne”; “tu es une maudite sans génie”; “tu es une bonne à rien et tu ne comprends rien”; “va chier”; “la brebis”; “si j’étais ton fils ou ta fille, j’aurais honte de ma mère”; “tu devrais décrisser, car tu n’es qu’une pollution à voir”; “retourne vivre dans le village d’où tu viens”; “inutilité vivante”; “tu es une câlisse de prostituée”; “ostie de plotte sale”; “criminelle et corrompue”; “minable prostituée du crime organisé”; “va te faire enc...”; “crisse de salope”; “aïe! la nunuche”; “allez vous rhabiller ou suicidez-vous”; “tu devrais disparaître”; “tu auras ta leçon après les Fêtes et ce sera un dossier de réglé”.»

Méganne Perry Mélançon : «Ces actes disgracieux laissent des traces, non seulement en ligne, mais dans le cœur et l’âme des victimes. Les adolescentes particulièrement sont vulnérables à ces attaques […]. La facilité avec laquelle on peut calomnier quelqu’un en ligne est inversement proportionnelle à l’ampleur des conséquences sur la personne visée.»

Nous savons. Nous ne pouvons plaider l’ignorance. Nous avons donc tous une responsabilité face ce fléau. Particulièrement lorsqu’on a la chance de s’exprimer dans la sphère publique. Chacun d’entre nous, à son échelle, doit tenter de donner l’exemple.

Non, personne, absolument personne, ne demande à qui que ce soit de se taire. Personne ne demande à qui que ce soit de s’abstenir de dénoncer des idées, des visions ou des projets. Mais il y a une différence entre cela et s’en prendre personnellement à des personnes; il existe un monde de différences entre des arguments et des attaques personnelles. C’est élémentaire. 

C’est vrai, rien de cela n’est nouveau. Tout cela est même tellement souvent répété… Mais c’est encore trop peu compris. 

Les appels au civisme ne suffisent pas, ne suffisent plus.

Pourquoi? Sans doute parce que les harceleurs ne se sentent pas concernés et n’ont cure des blessures qu’ils infligent. Il serait temps de partir de ce fait pour réfléchir à des solutions susceptibles de réduire la cyberviolence.