Le matériau de prédilection de l’artiste a toutefois des résonances plus vastes que les items vedettes de la chaîne de restauration rapide. En poinçonnant des cercles gros comme des pièces de 2 $ dans des exemplaires du Soleil datant d’aussi loin que 2007, elle a un peu l’impression de produire de la monnaie de papier et des paillettes dévoilant la palette de couleurs du journal. Elle tente de questionner, d’un même geste, la valeur de l’information et du papier lui-même, tout en incitant le visiteur à s’attarder aux propriétés esthétiques de l’objet.
Celle dont on a vu des sculptures de papier immenses et alvéolées, suspendues au plafond ou grimpant sur les murs, présente des objets plus plats pour son premier solo à la Galerie A — sa première exposition à Québec depuis 10 ans.
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«En aplatissant le papier au lieu de le déployer, je voulais qu’on ait envie de s’approcher. La petitesse de l’espace de la Galerie A, l’intimité que ça suggère, m’ont donné envie de faire des œuvres plus petites, format domestique», expose-t-elle.
Décimées en petits morceaux, les informations contenues dans le journal deviennent énigmatiques : une partie d’un nom de journaliste, une photo tronquée, un bout de phrase, ou encore un élément graphique sont des indices (ou des fausses pistes) pour ceux qui s’amusent à reconstruire le casse-tête.
Directement épinglée au mur de la Galerie, une nébuleuse baptisée Par bribes ressemble à la carte d’un archipel dessiné par un robot. L’œuvre in situ rappelle aussi la trame du papier journal. Dégagées du mur, les têtes des épingles qui fixent les cercles créent une trame par-dessus la trame.
Il s’agit d’une version miniature d’une œuvre présentée en 2017 à la Galerie d’art d’Outremont. Elle s’étendait alors sur un long mur courbe qui accentuait l’effet d’optique créé par les épingles et les points.
Julie Picard adapte ses œuvres à l’espace d’exposition, voire à l’emplacement géographique où elles sont présentées. «En résidence en France et au Liban, j’utilisais des journaux locaux, parce que le côté objet trouvé et le témoignage de l’actualité dans laquelle l’œuvre s’inscrit m’intéressaient», indique-t-elle.
Ses œuvres Nuage 02 à Nuage 08 sont aussi des compositions de cercles poinçonnés dans des journaux, mais cette fois mis dans des boîtes d’entomologie. Son inventaire est poétique et morcelé.
«Il y a un paradoxe dans le fait de conserver, de figer, un matériau qui s’effrite, qui jaunit et qui parle du temps qui passe», note l’artiste. «Pour moi, le papier nous parle de nous-mêmes, de notre propre impermanence.»
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Les génies, une série que Julie Picard constitue depuis plusieurs années déjà, consiste à mettre dans des éprouvettes des formes de papier, à les déployer à l’aide de câbles et à les coller minutieusement dans leur prison, un peu comme les bateaux embouteillés. Elle en propose trois modèles à la Galerie A.
Le clou de l’exposition est la série Changements climatiques, qui présente 12 images de l’Amérique du Nord, chacune traversée par une zone de couleur et de forme différentes. L’artiste a collectionné un an de page météo du Soleil. Lors d’une résidence à Sagamie en 2016, elle a numérisé les météos et les a légèrement agrandies. En les réimprimant, elle a découpé la forme dictée par la météo, a choisi les plus intéressantes et les a présentées des températures les plus froides (couleur ultraviolet) aux plus chaudes (couleur infrarouge). Selon les variations, Québec est parfois englobée avec Denver, d’autres fois avec Vancouver.
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«C’est comme si je m’étais amusée à retracer les frontières d’un pays qui fluctuent en fonction de la météo», illustre Julie Picard.
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L’exposition Sous le Soleil est présentée jusqu’au 30 novembre au 17, rue de la Barricade, suite 306. Entrée libre du jeudi au samedi, de midi à 17 h. Info : galeriea.ca et www.juliepicard.net