«J’ai donné mes premiers coups de pinceau à l’âge de 10 ans. Voir ma mère peindre des avant-midi de temps m’a donné le goût d’en faire autant. C’est elle qui m’a transmis le feu sacré», confie-t-il. Dans son atelier du boulevard Henri-Bourassa, il conserve précieusement une toile née de son imagination, Jean et son chien, où le gamin qu’il était en 1974 apparaît de dos, près de l’hôpital de l’Enfant-Jésus.
Jean Gaudreau — L’enfant sage de l’art rebelle, conçu en collaboration avec Alexandre Motulsky-Falardeau et la collègue du Soleil Josianne Desloges, brosse un panorama d’une vie dédiée aux arts visuels. Un beau livre illustré de photos de 400 œuvres que l’artiste, l’une des figures marquantes de l’art contemporain québécois, a voulu le plus «magnifique» possible. «Je voulais que ce soit un travail de pro, sinon je ne l’aurais pas sorti.»
S’exprimant à la première personne en ouverture, Jean Gaudreau revient sur les étapes marquantes de sa vie, depuis ses séjours estivaux à L’Isle-aux-Coudres, à vendre des toiles pour les touristes, jusqu’à sa participation au Moulin à images, de Robert Lepage, où il a vu certaines de ses œuvres projetées sur les silos à grains du Vieux-Port.
Travail de longue haleine
«C’est à L’Isle-aux-Coudres que j’ai rencontré Jean-Paul Lemieux pour la première fois. Je devais avoir 15 ou 16 ans. J’étais impressionné puisqu’il exposait dans des musées. Il a été une sorte de modèle pour moi. Je me suis beaucoup inspiré de lui. Mais pas autant que Jean-Paul Riopelle que j’ai découvert pendant mes études universitaires [à l’Université Laval]. Il était plus abstrait, plus moderne que Lemieux, qui avait une dimension plus traditionnelle dans sa démarche.»
Bon nombre de toiles de Jean Gaudreau ornent les murs de plusieurs résidences de mécènes et de riches collectionneurs, un peu partout au pays et hors des frontières. «Il y en a dont j’ai perdu la trace, qui se trouvent quelque part dans des collections privées. D’autres que j’ignore totalement où elles sont. Heureusement, j’avais pris soin de prendre des photos.»
Pour mener à bien son projet de livre, l’artiste a d’ailleurs plongé dans ses caisses remplies de photos et de diapositives. «Le numérique n’existait pas évidemment, mais on a réussi à faire des choix judicieux. Les photos avaient une bonne résolution. Je dois d’ailleurs une fière chandelle à mon éditeur Sylvain Harvey. N’eut été de lui, le livre ne serait jamais sorti. J’étais mêlé dans toutes mes photos. Il fallait que je classe, mais c’était assez pénible. Ça me prenait un bon coach.»
Vivre enfin de son art
Jean Gaudreau se dit comblé de pouvoir vivre de son art depuis une quinzaine d’années. Un luxe qu’il chérit d’autant plus qu’il a encore frais à la mémoire ses années de vaches maigres. «J’ai été en mode survie pendant les 20 premières années de ma carrière. Ce n’était pas facile. Mon séjour à Montréal a été très difficile. J’avais de la misère à joindre les deux bouts.»
Pour la suite des choses, le peintre de 55 ans souhaite continuer à explorer de nouveaux territoires de création. Loin de lui l’idée de se cantonner dans un seul style. «Ce qui compte, c’est de toujours aller plus loin.» Ce qu’il entend faire encore longtemps, dans son atelier de Charlesbourg ou à son chalet, près de la rivière Montmorency, dans le secteur Beauport.
Et quand la neige tombe à gros flocons, comme c’était le cas mardi, un simple regard à travers ses grands murs vitrés lui procure un surcroît d’inspiration. «Il n’y a rien pour battre ça.»
Jean Gaudreau — L’enfant sage de l’art rebelle 1979-2019. Alexandre Motulsky-Falardeau et Josianne Desloges. Éditions Sylvain Harvey. 472 pages.