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Maladie mentale: en parler même si ce n’est pas sexy

CHRONIQUE / «Les deux tiers des gens qui souffrent de maladie mentale — c’est un million de personnes — ne vont pas chercher de l’aide à cause de préjugés, par crainte d’être stigmatisés, parce qu’ils ont honte, parce qu’ils pensent être les seuls», indique Lysa-Marie Hontoy, doctorante en psychologie clinique et fondatrice d’Humain avant tout. «Je rêve du jour où une ou un député dira publiquement qu’il a fait un burnout.»


Le rêve est devenu réalité.

Rencontrée mardi au forum Adultes et santé mentale qui se déroulait depuis la veille à Québec, Mme Hontoy venait de m’exprimer sa crainte que la prévention et la lutte à la stigmatisation soient négligées dans le futur plan de santé mentale que Québec doit présenter en 2020. 

Bien que moins de tabous entourent la maladie mentale, Mme Hontoy estime qu’il reste encore à faire pour que les gens en parlent plus librement, à visage découvert et sans appréhender de nuire à leur carrière, à leurs relations.

La jeune femme n’a pu assister à l’allocution de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, à la fin du forum. Elle aurait été ravie et touchée.

Mme Blais a livré un émouvant témoignage sur la période sombre et le burnout qui ont suivi le décès de son mari en 2015, ainsi que les problèmes psychiatriques d’un de ses enfants adoptifs. 

Enfant en psychiatrie, par conséquent parent en psychiatrie, Mme Blais s’est sentie stigmatisée. Elle réalise cependant que l’accompagnement de son enfant à Sainte-Justine a contribué à faire d’elle une meilleure maman, une meilleure personne.

La «Marguerite heureuse» d’aujourd’hui est aussi celle qui a eu du mal à revenir à la vie après la mort de son conjoint. Elle a dû avoir recours à la médication pour y parvenir. 

Ce qui ne la disqualifie pas pour être ministre. «Ce n’est pas parce qu’on voit un jour un psychiatre qu’on a un trouble pour toute la vie», avait-elle déclaré un peu plus tôt.

Mme Blais note que ce n’est pas sexy le vieillissement et que la santé mentale n’est pas sexy non plus. 

Difficile toutefois de faire comme si cela n’existait pas. Trop d’adultes et de jeunes sont concernés. 

Un baume

Pour Lysa-Marie Hontoy, ce genre de témoignage est important et s’avère un baume pour les personnes aux prises avec une maladie mentale.

«Wow. Ça donne de l’espoir», a-t-elle lancé lorsque je lui ai fait part des propos de la ministre Blais.

Avec son projet Humain avant tout, Mme Hontoy et son équipe recueillent les témoignages et expériences d’hommes et de femmes qui éprouvent des problèmes de santé mentale ou qui traversent des périodes difficiles. Ils les publient, ainsi que leur photo, sur Facebook et Instagram.

«Ça enlève une couche de souffrances d’en parler. Les gens se sentent moins seuls». Elle croit aussi qu’il est plus facile d’aller chercher de l’aide psychologique lorsque l’on met la honte de côté. Certains lui ont d’ailleurs révélé que la lecture de témoignages les avait dissuadés d’une tentative de suicide. 

Quelque 15 000 personnes sont inscrites à Humain avant tout. Mme Hontoy signale que la campagne de financement participatif lancé par La Ruche jeudi dernier a atteint, en quatre jours, 40 % de l’objectif de 20 000 $. 

Avec cette somme, l’étudiante de l’Université de Montréal souhaite recueillir à travers le Québec des témoignages qui apaiseront la souffrance des uns et inciteront d’autres à demander de l’aide psychologique.