Plomb dans l’eau: le ministre de l’Éducation ordonne une vérification dans toutes les écoles

Tous les robinets et abreuvoirs contaminés dans les écoles devront être condamnés sur-le-champ, signale le ministre Jean-François Roberge.

Le ministre de l’Éducation demande à toutes les écoles du Québec de faire tester l’eau des fontaines où s’abreuvent les élèves et de condamner sans délai celles qui propagent du plomb.


Une «directive» devait être transmise mardi, autant aux établissements privés que publics, a annoncé Jean-François Roberge en mêlée de presse. «On va exiger que toutes les sources d’eau dans les écoles soient évaluées, qu’on évalue la qualité de l’eau qui est offerte dans toutes nos écoles et que, si on voit que l’eau n’est pas appropriée, qu’on voit qu’il y a des concentrations toxiques, bien évidemment on va remédier tout de suite.»

Tous les robinets et abreuvoirs contaminés devront être condamnés sur-le-champ, ajoute l’élu. «Aussitôt qu’on verra qu’il y a une source d’eau qui n’est pas adéquate, on va tout de suite arrêter, bannir, fermer le robinet et donner l’eau correcte.»

«Évidemment, on ne va pas dire à nos élèves de boire de l’eau qui est intoxiquée dans l’intervalle des travaux. On va tout de suite mettre fin à ça pour privilégier la santé des élèves. »

4 à 72 fois la norme

Lundi, Le Soleil publiait une enquête révélant que des analyses de l’eau de plusieurs écoles de la capitale dépassait de 4 à 72 fois la norme de 5 microgrammes de plomb par litre (µg/l) qu’il faut appliquer selon le ministère de l’Environnement, la Santé publique du Québec et Santé Canada.

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Dans les rapports scientifiques obtenus en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, nous avions appris que les experts de la Ville de Québec avaient observé des concentrations de plomb «significativement élevées», «parfois supérieures à la valeur ciblée par la norme». Des exemples : 43,4 µg/l à l’école Saint-Malo (Saint-Sauveur) ; 21 µg/l à l’école Sans-Frontière (Vanier) ; 19,8 µg/l à l’école Saint-Fidèle (Limoilou) ; même 360 µg/l à l’école internationale Saint-Sacrement.

«À ces niveaux-là, on est préoccupé de la situation.» Si de tels chiffres tombaient sur leur bureau, il y aurait émission d’un avis de «non-consommation» de l’eau, nous avaient déclaré des spécialistes de la Direction de la santé publique de la Capitale-Nationale : Jean-François Duchesne, conseiller en santé environnementale, et Dre Isabelle Goupil-Sormany, adjointe médicale au directeur de santé publique à la coordination en santé environnementale.

Sécurité des élèves

«On veut bien dire aux Québécois qu’il n’y a aucun compromis qui sera fait sur la sécurité des élèves», a déclaré le ministre Roberge. Il s’engage à agir rapidement : «Ce qu’on nous dit c’est que faire des tests c’est assez rapide. […] On va faire ça le plus rapidement qu’on peut le faire.»

Le ministre Jean-François Roberge affirme que le dossier du plomb dans l’eau des écoles sera géré par le ministère de l’Éducation en collaboration avec les ministères de la Santé et de l’Environnement. Justement, lundi matin, jour de la publication de l’enquête du Soleil sur le plomb dans l’eau des écoles, nous avions contacté les cabinets des trois ministres concernés. Aucun ne nous avait répondu. Mardi, après que La Presse ait publié un autre dossier sur le plomb dans l’eau des écoles, M. Roberge a répondu aux questions des journalistes parlementaires.

Pas de seuil sécuritaire

Rappelons que le plomb est nocif pour la santé, surtout chez les jeunes enfants. Il est connu pour, notamment, réduire les capacités intellectuelles. Santé Canada écrit d’ailleurs : «Comme la science actuelle ne peut déterminer un niveau sous lequel le plomb n'est plus associé à des effets indésirables sur la santé, les concentrations de plomb dans l'eau potable doivent être maintenues au niveau le plus faible qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre.»

À Québec, malgré les taux de plomb élevés, la Commission scolaire de la capitale a toujours plaidé que l’eau de ses écoles respecte les normes. Pourquoi ? Notamment parce que la Ville a découvert les dépassements dans l’eau qui s’écoule immédiatement quand on ouvre le robinet, l’eau que boit un enfant quand il active la fontaine. L’État accepte toutefois que le prélèvement officiel soit fait après circulation de l’eau plus de 5 minutes, quand la concentration de plomb diminue.

On va exiger que toutes les sources d’eau dans les écoles soient évaluées, qu’on évalue la qualité de l’eau qui est offerte dans toutes nos écoles et que, si on voit que l’eau n’est pas appropriée, qu’on voit qu’il y a des concentrations toxiques, bien évidemment on va remédier tout de suite

Cette façon de procéder est critiquée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Santé Canada et Polytechnique Montréal, entre autres. «Ce que les gens consomment, c’est rarement ce qui a coulé pendant 5 minutes. Ce que les gens consomment, c’est ce qui a coulé un petit peu et puis qui a stagné», commente Patrick Levallois, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive, responsable du Groupe scientifique sur l’eau à l’INSPQ. Conséquence : le taux de plomb dans l’eau des écoles est sous-estimé.

La Commission scolaire de la capitale se faisait aussi rassurante parce qu’une expertise commandée ultérieurement à un labo privé avait livré des résultats fort différents, voire opposés à ceux compilés par la Ville ; celle-ci insistait sur le respect de la norme en vigueur à l’époque, soit 10 µg/l. Cette firme avait néanmoins conclu que l’eau d’une fontaine du Centre Saint-Louis était contaminée.

Santé Canada préconise que l’eau de chaque fontaine et robinet des écoles et des garderies soit testée annuellement.