Parmi ses atouts : une grande expérience politique, vice-président du populaire Barack Obama, un programme centriste qui jouit de l’appui de l’establishment démocrate, sa promesse d’un retour à la normalité et à la civilité, son style populaire et accessible, et, par-dessus tout, la perception chez les démocrates qu’il est le mieux placé pour défaire Trump.
Pourtant, même si Biden reste le favori dans les sondages, rien n’est joué. Contre toute attente, Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts depuis 2012 et professeure de droit à l’Université Harvard, est en voie de s’imposer non seulement comme la représentante de l’aile gauche du Parti démocrate au détriment de Sanders, mais aussi comme l’alternative la plus crédible à Biden.
Peu connue du grand public il y a quelques mois et malgré la controverse autour de ses origines amérindiennes qui a incité le président Trump à la surnommer Pocahontas, elle a mené une campagne énergique et bien organisée. Ses propositions détaillées et ambitieuses sur les principaux enjeux de l’heure, ses solides performances lors des débats et ses attaques cinglantes contre Trump ont suscité l’enthousiasme d’une grande partie de la base électorale démocrate, facteur clé dans l’interminable processus des primaires.
À quelques points de Biden dans les plus récents sondages, Warren est aussi en train de convaincre l’électorat démocrate qu’elle serait en mesure de battre Trump.
Par ailleurs, les performances de Biden ont été peu convaincantes et marquées par plusieurs fausses notes. Il porte aussi le poids d’un lourd passé législatif, dont plusieurs décisions et prises de position qui apparaissent mal avisées aujourd’hui et qui le rendent vulnérable non seulement dans la course à l’investiture, mais aussi dans une présidentielle.
Les démocrates insistent avant tout sur la nécessité de battre Trump, mais ils sont loin d’être séduits par l’idée d’un simple retour en arrière, message qui semble ancré dans la campagne de Biden. Dans le sillage des révélations troublantes des derniers jours à l’effet que Trump a exercé de la pression sur le président ukrainien pour qu’il déclenche une enquête sur Joe Biden et son fils Hunter, l’ancien vice-président sera certainement, lui aussi, mis sur la sellette, ce qui risque de donner des sueurs froides à ses partisans et à son équipe.
La course à l’investiture démocrate est loin d’être terminée. Les premières primaires se tiendront en février 2020 et la convention démocrate, en juillet 2020. Warren a encore plusieurs obstacles à surmonter. Ses appuis auprès des minorités et des cols bleus restent faibles. Elle doit aussi compter sur le retrait plus tôt que tard de son principal rival à gauche, Bernie Sanders, sans quoi le vote progressiste sera divisé, à l’avantage de Joe Biden.
Lors de la présidentielle en novembre 2020, une candidate Warren ferait face à des défis considérables. Bien qu’une importante frange de la population américaine est favorable à plusieurs politiques progressistes et social-démocrates en matière de santé, d’éducation, de lutte aux changements climatiques, de fiscalité, de contrôle des armes à feu et d’immigration, la sénatrice est résolument opposée au socialisme. En ce sens, Trump et les républicains ont déjà commencé à agiter l’épouvantail du socialisme et vont tenter d’en faire l’enjeu central de l’élection.
Warren devra aussi faire face à la farouche opposition de Wall Street, qui voit ses propositions fiscales (taxation sur les fortunes et les profits), réglementaires et prosyndicales d’un très mauvais œil.
Enfin, certains porte-étendard de la gauche démocrate ont adopté des positions impopulaires auprès des Américains, comme l’élimination des assurances privées pour la santé (qui couvrent en ce moment 150 millions de personnes), les réparations financières pour les descendants d’esclaves, la confiscation de certaines armes, l’éducation et la santé gratuite pour les immigrants irréguliers, et la décriminalisation des traversées illégales de la frontière.
Une majorité d’Américains s’oppose à Trump et est disposée à voter pour un candidat qui propose des changements structurels importants. Mais les démocrates devront tout de même surmonter leurs divisions et présenter un candidat et un programme audacieux et clairs, tout en évitant les ambiguïtés et les décalages qui pourraient être exploités par Trump. La route est longue.