«Lentement la beauté»: le sens de la vie

Le récit de «Lentement la beauté» s’intéresse à la vie rangée de M. L’Homme (Hughes Frenette), un père de famille et fonctionnaire.

CRITIQUE / Michel Nadeau, le directeur artistique de la Bordée, a vu juste en ouvrant la 43e saison du théâtre avec une reprise de «Lentement la beauté». Sa pièce — texte et mise en scène — n’a pas pris une ride, bien au contraire. Dans un contexte où le rythme de la vie s’accélère sans cesse, prendre le temps de réfléchir au sens de celle-ci ne s’avère pas un luxe, mais bien une nécessité, suggère-t-il. Une proposition accueillie par un tonnerre d’applaudissements mercredi soir.


Déjà, à l’époque, la pièce a reçu les accolades du public et de la critique. Elle s’attarde à la crise existentielle d’un homme de 47 ans, mais Michel Nadeau a eu le flair d’en faire une comédie dramatique. Les traits d’humour, nombreux, permettent d’éviter que le propos devienne trop lourd. Le dramaturge a un peu modifié le texte pour l’actualiser, avec des références à Netflix, à Ricardo, etc.

Le récit s’intéresse à la vie rangée de M. L’Homme (Hughes Frenette). Le père de famille et fonctionnaire de carrière empêtré dans sa routine aura un choc lorsqu’il assiste, un peu par hasard, à une représentation des Trois sœurs de Tchekhov.

La célèbre pièce du dramaturge russe agit comme un effet miroir. M. L’Homme se demande s’il devient bien ce qu’il a voulu. Alors qu’il traîne son spleen comme un boulet, les réflexions de Tchekhov envahissent peu à peu son esprit et l’entraînent à poser un regard plus attentif sur la beauté qui l’entoure — d’où le titre. Des effets de ralenti et de répétition réussissent à concrétiser l’idée de lenteur.

La pièce se sert ici très efficacement de la mise en abîme — le théâtre dans le théâtre. Des extraits des Trois sœurs viennent s’immiscer dans la représentation, dans un habile aller-retour entre la «supposée» réalité et la fiction. 

Un dispositif scénique simple — une façade (grise, bien sûr), percée de fenêtres et munie de deux portes — permet à la distribution d’évoluer avec aisance. 

Jeu tout en finesse

Car on peut souligner la pertinence du propos, l’efficacité des dialogues et de la mise en scène autant qu’on veut, reste que le succès de cette nouvelle version repose aussi beaucoup sur l’interprétation tout en finesse d’Hughes Frenette, notamment dans l’utilisation du langage non verbal. 

Saluons également la polyvalence de Charles-Étienne Baulne, Claude Breton-Boivin, Véronika Makdissi-Warren, Marc-Antoine Marceau et Nathalie Séguin qui défendent tous plusieurs rôles avec brio.

Malgré les transitions rapides qui créent en un effet de dynamisme, la pièce souffre de quelques temps morts. Certaines scènes, avec le fils et la fille de M. L’Homme, par exemple, s’avèrent superflues.

Les cyniques pourront voir un certain paternalisme dans le propos — le dramaturge devrait leur répondre que quand le sage désigne la Lune, l’idiot regarde le doigt...

Au fond, la pièce de Nadeau propose au spectateur de prendre le temps de profiter du moment présent parce que «la vie nous coule entre les doigts», justement. 

Aussi bien en profiter pour aller voir Lentement la beauté. 

Lentement la beauté est présentée à la Bordée jusqu’au 12 octobre.