Dix ans à aider des migrants... à carapace

Biologiste et directeur Conservation et recherche au Zoo de Granby, Patrick Paré montre ici l’un des «nids» dans lesquels les reptiles éclosent ces jours-ci.

Les migrants qui franchissent la frontière canado-américaine intéressent le Zoo de Granby. Du moins, ceux qui ont une carapace molle à épines...


Depuis 10 ans, le jardin zoologique recueille, fait éclore et remet dans la nature des centaines de petites tortues molles à épine, une espèce menacée au Québec et dont le seul secteur de ponte connu est en bordure de la rivière aux Brochets, près de la frontière.

Elles sont nombreuses à hiberner aux États-Unis et à venir pondre ici, mais leurs œufs sont souvent victimes d’inondations ou de prédateurs comme le raton laveur.

C’est pourquoi le zoo, sous la gouverne du biologiste Patrick Paré, a instauré un programme de rétablissement qui a contribué à la sauvegarde de cet animal tout en améliorant son environnement.

Car l’approche ne se limite pas à nicher des centaines d’œufs dans des incubateurs et à attendre leur éclosion, bien qu’il s’agisse d’une activité des plus mignonnes à laquelle a assisté La Voix de l’Est, mercredi.

Le zoo préserve en effet la biodiversité de cette espèce — et de plusieurs autres par la même occasion — en contrôlant la qualité de l’eau de la rivière aux Brochets, en achetant des terrains à proximité et en insistant pour que les propriétaires laissent en friche une bande riveraine.

« Il y a encore des réticences, mais c’est beaucoup mieux qu’il y a 10 ans, indique M. Paré, qui est également directeur Conservation et recherche au zoo. On a une super belle ouverture aujourd’hui. »

Une tortue molle à épines voit le jour.

Pour convaincre, il privilégie l’approche « économique », soit faire valoir qu’avec un environnement plus sain, la valeur des terrains monte...

Résultat

L’action a porté ses fruits puisqu’on trouve davantage de tortues molles à épines aujourd’hui, dit le biologiste. « Mais notre plus beau résultat, c’est chez les humains. Les producteurs agricoles sont plus verts, les riverains sont plus sensibilisés et on a rencontré plusieurs élèves dans les écoles à ce sujet. »

« Des fois, ce sont des petites choses qui font la différence », dit-il.

Un festival de la tortue molle à épines baptisé Mikinak a également vu le jour dans la municipalité de Pike River, dans Brome-Missisquoi.

Le travail du zoo est également immortalisé ces jours-ci par le réalisateur Hugo Kitching, qui collabore à un documentaire sur les espèces animales qui franchissent la frontière canado-américaine.

« Pour nous, les frontières des pays sont claires, mais les animaux ne s’en préoccupent pas », note le cinéaste animalier.

Environ 150 tortues molles à épines doivent naître au zoo cet été, la seule espèce que la célèbre attraction touristique protège et aide à se multiplier à si grande échelle.

Environ 150 tortues molles à épines doivent naître au zoo cet été.

Le programme se poursuivra au moins jusqu’en 2023, et Patrick Paré espère obtenir un financement qui lui permettra de continuer après cette date.