Symposium de Baie-Saint-Paul: déborder des classes

L’espace de Georges Audet

Même s’ils se sont tous vu attribuer une classe de l’ancienne école Thomas-Tremblay, les membres de la cohorte 2019 du Symposium d’art contemporain de Baie-Saint-Paul sont loin de s’y confiner. Inspirés par la vue que leur donnent les fenêtres sur l’architecture et la nature environnante, ils tournent leur regard vers l’horizon. À l’intérieur, des liens se tissent entre les artistes, donnant naissance à des collaborations inédites et à des débordements dans les corridors.


Sebastian Mügge a recouvert une bonne partie de son espace (plancher compris) de papier où il amalgame les dessins que lui inspirent l’actualité, l’architecture mondiale et son expérience dans Charlevoix : les balançoires qui percent le mur à la frontière des États-Unis et du Mexique, la muraille de Chine défaite brique par brique par les fermiers voisins, le husumer, ce cochon allemand aux couleurs du drapeau danois… Près de la porte, son rouleau de papier se froisse, comme une chute, et va enlacer l’installation de fils et de tuyaux que la New-Yorkaise Erica Stoller fait pendre dans la cage d’escalier.

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Sebastian Mügge au travail

Celle-ci savoure le luxe du temps dans cette résidence de création d’un mois. Dès les premiers jours, les fils hétérogènes et colorés, qui rappellent les fils électriques qui défigurent les paysages modernes, courraient au plafond de son atelier. Quoi faire maintenant? L’artiste explore la tension en tendant ses matériaux avec des élastiques dans des boîtes de carton ouvertes, des œuvres refermables et transportables. À un enfant qui voudrait désespérément toucher les fils, elle tend en souriant des échantillons à manipuler.

Erica Stoller

Le moins qu’on puisse dire est que les artistes de cette année ont le souci de donner quelque chose à expérimenter aux visiteurs. Georges Audet a installé deux fauteuils invitants à l’entrée de son espace, qu’il a tenté de rendre «rond et mou» grâce à des tissus bigarrés rassemblés en courtepointe et sillonnés de lignes à l’encre de Chine, qui rappellent des lignes topographiques. Sa réinterprétation du cratère de Charlevoix est aussi un cabinet de curiosités, où se côtoient des objets lui appartenant et des objets introduisant ses collègues (un dessin d’Ann Karine Bourdeau Leduc, des boîtes de Martha Townsend).

L’atelier de Gillian Dykeman

Tous ont mis la main à la pâte pour aider Gillain Dykeman à monter jusqu’à sa classe les bûches qui forment sa réinterprétation de Spiral Jetty. «Ce qui frappe les visiteurs, c’est l’odeur de bouleau et de pin», note Gabrielle Sarthou, la dynamique guide qui tenait le fort en l’absence de l’artiste.

Avec des carrés de tissu empruntés à Georges Audet et des écorces venues de l’installation de Gillain Dykeman, la peintre Sylvie Bouchard a fait plusieurs mises en scène sur une plage cachée afin de les transposer sur ses toiles. Du sable foncé, magnétique, lui a aussi permis de créer d’étonnantes formes hérissées.

Martha Townsend

Dans sa classe encore munie de tableaux verts, Martha Townsend invite les visiteurs à faire des collages à partir de papiers à reliure et d’enveloppes récupérées. Les résultats sont exposés dans le corridor, comme pour rappeler les projets d’art plastique de la petite école.

Architecture éclatée

À notre passage, samedi dernier, Denis Lateigne brassait ses couleurs pour peindre le toit de sa maison Molinari, installée dans le stationnement, une fois l’averse passée. Puisant aux savoirs patrimoniaux, l’artiste de Caraquet a peint sa construction à la chaux avant d’y appliquer ses couleurs.

Richard Cloutier a construit une imposante ossature avec des 2 par 4 pour soutenir des morceaux de gypse. Un jeu de construction-déconstruction où le rose, repiqué sur un bâtiment patrimonial de Baie-Saint-Paul, domine.

L’espace de Richard Cloutier

Ann Karine Bourdeau Leduc a quant à elle pigé des formes de chambranles et d’aisseliers dans un livre sur le patrimoine bâti de la région pour les reproduire avec des matériaux de construction conçus pour l’intérieur. Un de ses faux cadres de fenêtres a été amalgamé avec une œuvre sonore de Béchard-Hudon.

Le duo formé de Catherine Béchard et Sabin Hudon a construit une sorte de cabine sonore avec différents matériaux pour diffuser le résultat de leur chasse aux ondes subsoniques. Grâce à des capteurs placés dans le sol ou sur des structures ils ont recueilli des sons chantants, qui semblent surgir des profondeurs de la terre ou des confins du cosmos.

L’espace sonore de Béchard-Hudon

Hua Jin nage entre mer et cosmos en donnant corps à l’image d’une vague qui scintille qu’elle a captée avec son appareil-photo. Avec de petits cercles de miroir, elle a créé une installation qui s’anime lorsque le vent entre doucement par les fenêtres.

En demandant à des adolescents de Charlevoix de lui partager leurs endroits préférés et de se faire photographier dans cet endroit privilégié, Anne Ardouin dresse une cartographie sensible, morcelée et précieuse, des paysages de la région.

Le Symposium se poursuit jusqu’au 25 août, où il y aura une visite commentée de la directrice artistique Sylvie Lacerte et un spectacle d’Émile Proulx-Cloutier. Info : symposiumbsp.com