Le nombre d’ordonnances reliées à la pilule contraceptive est en déclin, selon les données de la Régie de l’assurance malade du Québec (RAMQ). En 2015, 1 028 074 services reliés à une ordonnance de pilules contraceptives ont été offerts. En 2018, leurs nombres étaient de 900 413. Il s’agit d’une baisse de près de 12,5 %.
À 20 ans, Laurence Taschereau a fait un petit caillot sanguin qui a monté à son cerveau. Rien d’alarmant, mais suffisamment pour devoir cesser la pilule contraceptive. Gabrielle Authier, elle, a eu un peu moins de chance. Le caillot causé par la pilule contraceptive puis emmagasiné dans son aine s’est détaché et a provoqué une embolie pulmonaire. Résultat : deux semaines à l’hôpital, deux mois sans marcher, six mois d’anticoagulant oral. L’absorption d’hormones lui est interdite à vie. Elle avait 22 ans.
En juillet, une action collective contre le géant pharmaceutique Bayer visant à dédommager les femmes ayant utilisé ou reçu une prescription des pilules contraceptives Yasmin ou Yaz, était autorisée au Québec. Selon l’action, elles accroîtraient les risques de thrombose artérielle, de thromboembolique veineuse, une embolie pulmonaire ou de maladie de la vésicule biliaire.
«Les risques de faire une embolie pulmonaire sont trois fois plus élevés» avec la prise de contraceptifs oraux, rappelle Céline Bouchard, gynécologue à la Clinique de recherches en santé de la femme à Québec.
Migraines, maux de ventre, symptômes dépressifs, baisse de libido, fatigue : quoique plus modérés, les autres effets secondaires des contraceptifs hormonaux sont nombreux. Sarah-Jeanne Lapointe portait le dispositif intra-utérin hormonal Mirena, également propriété de la compagnie Bayer. Elle souffrait de maux de dos chroniques.
«Après plusieurs traitements, sans succès, mon chiropraticien et mon médecin ont évoqué que plusieurs patientes portant le stérilet souffraient aussi de douleurs au dos», raconte la jeune femme. Elle a choisi d’arrêter toute contraception. Et depuis, les maux ont diminué.
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«Retrouver son corps»
Sophie Lachance, coordonnatrice clinique au Centre de santé des femmes du Québec, et la Dre Bouchard notent toutes deux une augmentation de la demande pour les dispositifs intra-utérins de cuivre, sans hormone, donc. Ils ne sont toutefois pas remboursés par le régime provincial d’assurance-maladie. «Plusieurs femmes veulent prendre le contrôle de leur cycle menstruel et de leur contraception, sans médecin ni médicament», fait valoir Mme Bouchard.
Et parmi les moyens de contraception naturels, la méthode sympto-thermique semble revenir en force. L’idée est de déceler les périodes de fécondité et d’infertilité dans le cycle menstruel, par l’observation de sa température corporelle. Une méthode naturelle pourra ainsi être jumelée à une méthode barrière en période de fertilité, comme le préservatif ou le diaphragme.
Estelle Roy a arrêté la contraception hormonale il y a un an. Elle n’était plus à l’aise avec l’idée d’ingérer des hormones tous les jours, en plus de porter seule le poids de la contraception. Gabrielle Vallières, pour sa part, l’a fait pour des considérations féministes. «C’est une charge supplémentaire pour la femme de devoir utiliser un contraceptif, autant psychologiquement que financièrement», dit-elle.
L’abandon de la contraception hormonale ne signifie toutefois pas l’abandon des précautions. Il s’agit plutôt d’impliquer son partenaire et de le conscientiser, pour un rapport à la contraception plus égalitaire. Puisqu’elle repose encore majoritairement sur les épaules de la femme, rappelle Mme Bouchard.
«La contraception a permis aux femmes de se libérer. Certaines sentent aujourd’hui le désir de retrouver leur corps. Ce sont des mouvements de société, comme avec la coupe menstruelle. Ça peut s’inscrire dans un mouvement féministe.»
Le Centre de santé des femmes du Québec aborde ainsi la contraception selon cette approche féministe. L’idée est d’informer le plus justement possible quant à l’efficacité de chaque méthode, selon le mode de vie de la patiente.
«La femme est au centre de notre intervention, précise Sophie Lachance. Si elle est convaincue que son stérilet ou les hormones la rendent dépressive par exemple, on va aller vers ce qu’elle veut. La meilleure méthode sera celle qu’elle choisira.»
S’aider avec la technologie
Clue, Period Tracker, Ladytimer, Flo, Life : le nombre d’applications mobiles pour gérer le cycle menstruel explose. Depuis 2018, la Food and Drug Administration (FDA), agence américaine de réglementation des produits alimentaires et des médicaments, autorise l’application mobile Natural Cycle comme moyen de contraception, au même titre que la pilule ou le préservatif. Elle repose sur la méthode sympto-thermique. L’Union européenne l’avait approuvée l’année précédente.
«Les applications mobiles aident à gérer la contraception, mais pour une certaine catégorie de femmes», prévient Céline Bouchard. Le risque de grossesse demeure beaucoup plus élevé qu’avec les contraceptifs hormonaux. «Il faut être disciplinée et bien comprendre son cycle menstruel.»
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QUOI DE NEUF SUR LE MARCHÉ
DE LA CONTRACEPTION?
Alors que plusieurs femmes souhaitent un meilleur partage de la responsabilité de la contraception, plusieurs produits font actuellement l’objet d’étude clinique en vue de neutraliser le facteur biologique de la gestation, notamment.
La pilule contraceptive pour homme
Fin mars, des chercheurs annonçaient qu’un contraceptif hormonal pour homme venait de traverser avec succès une première étude clinique. Le traitement vise a diminué le taux d’hormones responsables de la production de spermatozoïdes. De légers effets secondaires ont été remarqués : acné, maux de tête ou légère baisse de la libido.
Les chercheurs préviennent toutefois qu’il faudra encore une décennie d’études cliniques avant que de telles pilules ne soient disponibles sur le marché.
Le Vasalgel
La technologie RISUG (Reversible Inhibition of Sperm Under Guidance) ou Vasalgel est simple : un gel non toxique à base de polymères est injecté dans le canal déférent transportant le sperme vers l’urètre. Il obstrue le passage en bloquant les spermatozoïdes, mais laisse passer le liquide séminal. Pour inverser le processus, une deuxième injection casse le colmatage.
Pour la «mère» de la technologie Vasalgel, l’Américaine Elaine Lissner, pas question d’investir dans une méthode hormonale.
Il serait efficace une dizaine d’années. En Inde, la procédure est désormais en fin d’essais cliniques de phase III, soit la dernière étape avant l’autorisation de sa mise en marché.
Le condom invisible pour femmes
Des chercheurs du Centre de recherche en infectiologie de l’Université Laval travaillent sur le condom invisible pour femmes depuis près de 20 ans. Il n’a toutefois rien à voir avec le condom féminin.
Il s’agit plutôt d’un tube transparent troué et rempli d’un gel, qui s’applique comme un tampon. Il pourra à la fois prévenir les grossesses et lutter contre les infections transmises sexuellement. La protection des femmes ne dépendra plus du partenaire, donc.