Des efforts pour étouffer la «plante zombie» à Lac-Sergent [VIDÉO]

Lors du passage du Soleil mardi, une dizaine de bénévoles étaient à l’oeuvre pour plier la toile de jute et ensuite partir en chaloupe l’installer dans le fond du lac Sergent.

Lac-Sergent passe à l’attaque contre le myriophylle à épis, surnommé la «plante zombie». Un groupe de bénévoles a installé les premières toiles de jute dans le fond de ce lac de Portneuf au début août, pour tenter d’étouffer cette plante exotique envahissante qui menace la santé du plan d’eau.


Pour l’instant, cette opération coûte 30 000 $ à la municipalité qui compte 500 résidences permanentes et chalets. Lors du passage du Soleil mardi, une dizaine de bénévoles étaient à l’oeuvre pour plier la toile de jute et ensuite partir en chaloupe l’installer dans le fond du lac. Des sacs de gravier permettent de tenir la bâche au sol, qui se dégradera naturellement d’ici trois à cinq ans. Des plantes indigènes, qui sont bénéfiques pour le lac, devraient ensuite repousser naturellement.

Mais le processus n’est pas de tout repos. Le myriophylle peut atteindre jusqu’à trois mètres à l’heure actuelle dans le lac Sergent, si bien qu’il est difficile de le rabattre complètement au sol, pour le couper de toute lumière. Alors que la municipalité a commandé 100 000 pieds carrés de toile de jute, seulement 16 000 pieds carrés auront été installés cette année. 

«On va reprendre l’an prochain, à la fin juin, quand la plante va être moins haute», indique Yves Bédard, maire de Lac-Sergent. 

Le myriophylle à épis, surnommé la «plante zombie», peut atteindre jusqu’à trois mètres à l’heure actuelle dans le lac Sergent.

Cette technique de bâchage été tentée dans plusieurs lacs du Québec aux prises avec du myriophylle à épis, avec des résultats parfois mitigés. «On essaie d’éviter les erreurs qui ont été faites par les autres», explique M. Bédard. Par exemple, les toiles sont superposées l’une sur l’autre et un plongeur ira vérifier qu’elles tiennent bien en place au cours des prochains jours. 

Les travaux sont supervisés par Héloïse Drouin, biologiste pour la CAPSA, l’organisme de bassin versant de la rivière Portneuf. Mme Drouin explique que le bâchage est efficace pour «contenir» la plante dans une zone précise, sans toutefois l’éradiquer complètement du lac. 

Le maire Bédard convient que l’installation de toiles n’est pas une solution miracle, mais qu’elle fait partie «d’une série d’actions» à poser. Une station de lavage des bateaux a été construite pour éviter que des fragments de myriophylle ne voyagent d’un lac à l’autre. Des bouées ont été installées près des rives du lac Sergent pour inviter les plaisanciers à réduire la vitesse de leurs bateaux dans les zones où la «plante zombie» est plus dense. La municipalité a également entrepris la mise aux normes des fosses septiques de ses résidents. 

Mme Drouin explique que cette plante se reproduit très facilement. Un fragment de myriophylle d’un centimètre, qui aurait été coupé par une pagaie ou l’hélice d’un bateau, est suffisant pour produire une nouvelle tige. 



Alors que la municipalité a commandé 100 000 pieds carrés de toile de jute, seulement 16 000 pieds carrés auront été installés cette année.

Selon le ministère de l’Environnement, le myriophylle à épi a été introduit au Canada par la coque des navires internationaux ou par sa vente comme plante d’aquarium. Il est aujourd’hui présent dans plus de 155 lacs au Québec. Le ministère n’a pas de chiffre exact à fournir, car «il n’y a pas de suivi exhaustif réalisé à l’échelle de la province», indique la porte-parole Catherine Giguère. 

Les régions les plus touchées sont l’Estrie, les Laurentides et l’Outaouais. Lac-Sergent, où du myriophylle à épis est présent depuis 2001, est la première municipalité de la grande région de la Capitale-Nationale à entreprendre un tel plan de lutte. 

Pas d’aide du gouvernement

Le maire Bédard déplore toutefois que sa municipalité n’ait pas obtenu de subventions gouvernementales pour l’aider dans ses efforts. «On va se prendre en main, parce que si on attend les programmes, on bougera pas.»

Par exemple, Lac-Sergent n’a pas obtenu un sou du Programme pour la lutte contre les plantes exotiques envahissantes, de la Fondation de la faune du Québec et du ministère de l’Environnement, parce que son lac est déjà trop affecté par la «plante zombie». 

«La priorité est accordée aux projets visant à prévenir l’introduction et la propagation de la plante. Des projets de contrôle du myriophylle à épis peuvent aussi être acceptés, mais il s’agit principalement d’interventions dans des plans d’eau peu envahis et ayant une valeur faunique importante», explique Catherine Giguère. 

Depuis l’an dernier, l’Union des municipalités du Québec et plusieurs organismes environnementaux militent pour qu’une Stratégie nationale de lutte contre le myriophylle à épis voit le jour.

Lors du passage du Soleil mardi, une dizaine de bénévoles étaient à l’oeuvre pour plier la toile de jute et ensuite partir en chaloupe l’installer dans le fond du lac Sergent.

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DES LACS QUI MANGENT MAL

La «plante zombie» prolifère dans plusieurs lacs du Québec parce que ceux-ci «mangent mal», soit du phosphore et de l’azote rejetés par les fosses septiques des résidences situées aux environs.

C’est l’analyse proposée par Mélanie Deslongchamps, directrice générale de l’Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des marais du Nord (APEL). Selon elle, il faut couper «la malbouffe» aux lacs pour qu’ils recouvrent la santé. 

Autant le myriophylle à épis que les cyanobactéries (algues bleues) profitent du fait «qu’on engraisse les lacs avec nos eaux usées», explique Mme Deslongchamps. Essayer d’arracher la plante ou installer des bâches, «ça donne de faux espoirs que tu vas sauver ton lac.»

Il n’y aura pas d’opération de bâchage au lac Saint-Charles pour contrer la myriophylle à épis, parce qu’«il est trop tard», indique Mme Deslongchamps Cette plante a déjà envahi 40% du couvert du lac, qui est la source d’eau principale des résidents de Québec. L’APEL préfère travailler à l’amélioration du traitement des eaux usées, question de couper les nutriments de ces plantes. 

Cette vision est partagée par Paul Isabelle, un citoyen qui passe tous ses étés à Lac-Sergent et qui critique le choix de la municipalité d’installer des toiles de jute. M. Isabelle déplore que «les gens veulent des solutions simples et pas chères, au lieu de traiter le problème à la source.» «Une fosse septique, c’est de l’épandage souterrain. Ça a ses limites», commente celui qui a déjà travaillé à l’installation d’un réseau d’égout à Lac-Sergent, un projet qui n’a pas obtenu l’accord de la majorité des citoyens. 

Étant donné que les plantes aquatiques sont en compétition entre elles, M. Isabelle craint que la disparition d’une grande quantité de myriophylle à épis du lac Sergent laisse plutôt le champ libre aux algues bleues.

Les plans d'eau où le myriophylle à épi a été répertorié

  • Lac Sergent
  • Lac Delage
  • Lac Saint-Augustin
  • Lac Saint-Charles
  • Lacs Laberge
  • Fleuve Saint-Laurent

Source: organisme de bassin versant CAPSA