Je suis attendue à 12h30 dans la loge des mascottes, le garage d’une maison de la route des Rivières à Lévis, à proximité de l’Exposition Internationale d’Autos de Lévis.
Il fait chaud, déjà. Le soleil tape fort.
Je rejoins Cathy Lanouette, directrice de Créations Animation Mascottes, et sa brigade de sept animateurs dont les noms seront tus. L’anonymat est une des premières règles déontologiques du métier. Aussitôt le costume enfilé, l’humain disparait. Il ne reste que Chevi des Chevaliers de Lévis, Nitro du Festidrag ou Alpha de l’Hôtel le Concorde Québec.
C’est ce qui plaît d’ailleurs à celui derrière Puce du Marché Jean-Talon, qui travaille depuis près de deux ans comme animateur. «Je suis timide, mais quand tu enfiles le costume, l’imagination embarque instantanément. Je tripe ben raide. On peut avoir du fun avec les gens sans leur jaser.»
Le personnage que j’incarnerai au plaisir des amateurs de voitures est Pato. Un sympathique canard qui ne possède pas la faculté du langage, comme toutes les mascottes d’ailleurs.
Plusieurs étapes sont nécessaires pour devenir Pato. On ajuste les gros souliers, les cerceaux de corps pour les rondeurs, puis la mentonnière pour s’assurer que la tête reste en place. On m’attife ensuite de la combinaison blanche, le tout, sur une grande feuille de papier disposée sur le sol, pour s’assurer que la peluche demeure intacte. Le prix de confection d’un pareil costume chez Créations Animation Mascottes : entre 5000 et 6000 $. Pas question de faire des taches inutiles sur Pato.
On ajoute finalement la tête du canard. Étonnement, son intérieur sent bon le détergent à lessive. Cathy Lanouette m’informe qu’elle a été trempée pendant plusieurs heures dans l’eau savonneuse, puis séchée par plusieurs ventilateurs dans une pièce déshumidifiée. Tous les costumes sont soumis au même traitement. L’hygiène est primordiale chez Créations Animation Mascottes.
Mon cœur pompe, je vois des étoiles, j’ai chaud, et je n’ai pas encore mis le pied dehors.
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«Voir sans être vu»
Une voiturette de golf passe me prendre au quartier général. Elle me dépose en plein milieu de la foule, affairée à zieuter les quelque 800 modèles de Mustang et autres automobiles de collection.
Je croise Pampan et Pampinot du Festival de l’oie blanche de Montmagny. On se tape dans les mains. Je sais qui se cache derrière leurs costumes, mais pour le reste du public, ces deux oies en peluche sont Pampan et Pampinot.
Il n’est pas évident de circuler dans l’herbe haute avec des pieds d’une cinquantaine de centimètres. La sueur dégouline de partout. Mes cheveux sont déjà trempés.
Je me réjouis de ne pas avoir mangé de poutine avant l’événement, comme les deux mascottes de l’histoire racontée par Christian Lanouette, directeur de l’animation de Créations Animation Mascottes. Quelques minutes à peine après de début de l’événement, les deux animateurs ont été retrouvés endormis à l’arrière d’un camion. «Une bonne alimentation et beaucoup d’eau sont nécessaires si on veut tenir dans le costume. Il fait chaud, même en hiver», dit-il. Un conseil d’ailleurs prodigué dans la formation en animation offerte par l’entreprise familiale de Lévis, fondée il y a plus de 30 ans.
Dès que je mets Pato en marche, les sourires et les «tape m’en cinq» fusent. Les enfants accourent pour des câlins. Les gens veulent des photos. «Voir sans être vu.» Cette phrase de Cathy Lanouette résonne tout à coup dans ma tête. Si je craignais d’avoir l’air ridicule, cette appréhension se dissipe rapidement.
Je me retourne. Un enfant visiblement apeuré me demande de l’éviter. Je réponds : «OK», impuissante. J’ai failli à la charte de la mascotte. Adoucir la peur fait aussi partie de la formation chez Créations Animation Mascottes. «Les animateurs réunissent à apprivoiser un gros 90 % des enfants», estime Christian Lanouette.
J’arrive près d’un groupe du Club Mustang Québec. C’est l’heure de la photo officielle. On me tire au sol. «Une bonne mascotte est vive d’esprit», avait mentionné Cathy Lanouette. Je lève les pattes et les bras dans les airs pour répondre de ma chute. La caméra du diffuseur public capte la scène. Ce n’est pas moi qui serai du bulletin de nouvelles, mais bien Pato. J’en profite pour m’incruster dans un autre cliché, juste derrière Michel Barrette, l’invité d’honneur.
«C’est la mascotte qui récolte le succès de l’animateur à des fins promotionnelles, fait valoir Cathy Lanouette. Il reste dans l’ombre de son personnage pour permettre un maximum de magie.»
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Mascotte de métier
Quatre des sept animateurs présents à l’événement ont bénéficié de la formation de Créations Animation Mascottes. «Celle de base est d’une durée de deux à trois heures, précise Christian Lanouette. Entrer dans un costume, c’est facile. Mais offrir une bonne animation, c’est autre chose.» Pas de gestes déplacés ni d’alcool. C’est tolérance zéro. L’éthique et le professionnalisme guident la formation.
En tout, 29 animateurs formés travaillent pour la compagnie. Des cours de gymnastique sont notamment offerts aux plus expérimentés ou à ceux dont le potentiel est plus élevé. «C’est très apprécié des clients, ajoute Cathy Lanouette. Il n’y a pas beaucoup de mascottes qui bougent comme les nôtres.» Et le métier les mènera jusqu’aux Championnat du monde de hockey sur glace ou Championnat d’Europe d’athlétisme.
Quatorze heures. C’est la fin du règne de Pato, mais l’heure de la pause et de l’hydratation pour les autres. «Quarante-cinq minutes d’animation, 30 pour s’hydrater.» La règle est claire.
Et combien sont rémunérées ces mascottes professionnelles? «C’est bien payé», laisse tomber Cathy Lanouette, sans trop vouloir dévoiler le salaire d’un animateur. «C’est bien payé, parce que c’est un métier difficile.»
Créations Animation Mascottes est derrière Champion des Remparts de Québec, Badaboum des Nordiques, Docteur Toudoux d’Opération Enfant Soleil, Bubusse de la Fédération des Transporteurs par Autobus, ainsi que plusieurs personnages de la Fédération internationale de hockey sur glace.
Elle fabrique entre 40 et 50 costumes par année, et 125 avec la division de Montréal. Créations Animation Mascottes compte dans son équipe des dessinateurs, des employés à la conception de patrons, des couturières et même, une spécialiste de la tête, parce qu’elles est la partie du costume la plus longue et complexe à réaliser.
Pour la compagnie, la mascotte s’avère un bon outil de marketing, encore plus puissant depuis l’avènement des réseaux sociaux, puisque les photos circulent rapidement.
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DÉSENBILISATION À LA PHOBIE
Depuis quelques années, Créations Animation Mascottes offre des ateliers de désensibilisation à la phobie des mascottes. S’il n’y a que des enfants qui ont participé à l’activité jusqu’à présent, Cathy Lanouette croit que plusieurs adultes ont aussi une peur intense de ces personnages.
Une famille rêvait d’un voyage à Walt Disney. Impossible d’y mettre les pieds toutefois. Leur fillette a une peur bleue des mascottes. La famille contacte alors Cathy Lanouette.
L’idée de cette «thérapie» est de dissiper la magie autour du personnage, en déconstruisant la peluche un morceau à la fois. «On arrête de parler de mascotte. On parle plutôt de costume de mascotte», dit-elle.
«On passe un bout de temps au bureau avec l’enfant, explique Mme Lanouette. On décompose le costume. L’enfant et ses parents essaient des morceaux. Ensuite, ils partent pour une fin de semaine avec un costume de location.»
L’étape ultime : l’enfant est invité dans la loge des mascottes afin de constater que ce sont bel et bien des humains sous le costume. Et la fillette? «Elle a finalement réussi à vaincre sa peur. C’est à ce moment qu’on a décidé d’offrir ce service de manière permanente», indique Mme Lanouette. Anne-Sophie Poiré
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