Précoce et talentueux, Nathan Ambrosioni tourne un premier film à 18 ans

Noémie Merlant et Guillaume Gouix jouent les deux rôles principaux du premier long métrage de Nathan Ambrosioni, tourné à 18 ans!

Il a écrit et réalisé son premier long métrage à 18 ans, bien reçu en France, avec trois fois rien et sans connaître personne dans le milieu. Non, il ne s’agit pas de Xavier Dolan. Mais la précocité et le talent évident de Nathan Ambrosioni sur le très beau drame «Les drapeaux de papier» a imposé des comparaisons avec le réalisateur québécois. Le Français ne s’en offusque pas. Après tout, le véritable déclic s’est produit en visionnant «Mommy» : tout était possible!


Retour en arrière. Nathan a 12 ans. Ses amis le traînent de force au cinéma pour aller voir un film d’horreur. Il a déjà peur, il en ressort «terrorisé», mais complètement fasciné par «l’interaction entre l’objet et le spectateur».

Jusqu’à 16 ans, il se gave de longs métrages du genre et réalise des courts avec ses amis. Puis Nathan, issu d’un milieu confortable et normal, décide d’écouter Mommy à la fête des Mères. «Ça ne lui a pas fait plaisir. En fait, elle a adoré, mais elle était complètement chamboulée, confie-t-il. Moi, ça m’a terrassé. C’était d’une force folle. J’ai alors élargi ma cinéphilie : Jacques Audiard, Terrence Malick, tous les Dolan, enfin, pleins de films.»

Les références incessantes au réalisateur de J’ai tué ma mère, véritable superstar en France, ne l’agace pas, au contraire. «C’est un cinéaste que j’admire vraiment beaucoup. Je suis juste flatté», dit celui qui prend ces compliments avec un grain de sel. «C’est juste un modèle.»

Les drapeaux de papier évolue dans un autre registre, intime mais beaucoup plus feutré. Il évoque le destin de Vincent, détenu pendant 12 ans. Il débarque chez sa jeune sœur, qui mène une vie rangée et qui en sera complètement bouleversée.

Nathan Ambrosioni a eu la folle audace d’écrire le rôle de Charlie pour Noémie Merlant. Tout tremblant, il lui remet le scénario après une projection-discussion. Surprise, elle accepte! L’actrice de 30 ans a la même agence que Guillaume Gouix, mi-trentenaire à la carrière bien établie. Il l’appelle. «J’ai séché mes cours et je suis monté à Paris.» Et l’a convaincu. «J’ai eu beaucoup de chance!» s’exclame-t-il.

Le tour de la Gaspésie

Même au téléphone, son incrédulité s’entend. Allumé et éloquent, d’une grande vivacité, le jeune cinéaste vient promouvoir la sortie de son long métrage, vendredi. Ce n’est pas son premier séjour au Québec. Il se rappelle son «road-trip» en Gaspésie avec son père, à neuf ans.

La mer, ça le connaît : il a grandi sur la Côte d’Azur, «mais pas celle des cartes postales». Il y plante son décor. Il s’est inspiré de sa grande sœur Romane «que j’ai toujours beaucoup observée» pour Charlie, 23 ans, qui rêve de devenir illustratrice. Soit. Mais Vincent? Nathan n’a tout de même pas fait de prison? «Pas encore», rigole-t-il.

«J’avais très envie de parle de liberté. Je me posais des questions. J’allais avoir 18 ans — mes parents ne m’en ont jamais privé. Mais il arrivait une forme de liberté avec ces 18 ans : avoir un appartement, être responsable aux yeux de la loi… Puis je suis tombé sur un article à propos d’un homme qui sortait de prison sans aide de l’État, comme dans le film. La façon dont il parlait de la liberté, j’avais l’impression de me retrouver un peu dans ses mots. Lui, c’était 1000 fois plus fort, avec ce qu’il avait vécu.»

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Puisqu’il ne voulait pas d’un récit autobiographique — «ma vie n’est pas intéressante pour le cinéma, on s’en fout» —, cet homme lui fournissait la clé pour évoquer le sujet. Ça, et son corollaire, avec beaucoup d’humanité : la réinsertion. «Complètement.»

Vincent essaie beaucoup. Mais les codes sociaux lui échappent. Ce n’est pas comme s’il était «à l’étranger pendant 12 ans. Dans sa petite cellule, il était nulle part. Il n’y a rien.» Cette «volonté de redevenir normal, je voulais que le film reflète ça. On y voit un homme qui a purgé sa peine et cherche son chemin.»

Sauf que son compteur est resté bloqué à 18 ans. Son père l’a renié, sa mère est disparue et sa sœur, ado devenue femme, est une étrangère — forcément. Leur relation fraternelle est au centre des Drapeaux de papier. Pourquoi? Nathan Ambrosioni amorce une réponse, puis avoue : «Je ne sais pas, c’est inconscient.»

Un désir d’éviter les clichés du jeune couple, mais aussi de tourner un film sur la famille, «quelque chose qu’on ne choisit pas, mais qu’on nous impose». Il y a là un dilemme moral important, croit-il : «On n’est pas obligé de les aimer», mais presque. «On apprend.» Comme ce duo, qui tente de cheminer l’un vers l’autre malgré leurs différences, mais uni par une tendresse évidente.

C’est compliqué. D’autant que Vincent doit composer avec la rage volcanique qui bouillonne en lui. «Cette émotion est assez fascinante, j’avais vraiment envie de l’explorer. Vincent, c’est un trouble du comportement. C’est au-delà lui. Il sort de prison, c’est ardu, mais je ne voulais pas que ce soit impossible. J’avais tout de même envie de lui rajouter des difficultés fictionnelles, qui se mêlaient à la réalité des détenus dont j’avais lu les témoignages. Ça vient de plusieurs choses, mais c’est une des premières caractéristiques que j’ai attribuées à Vincent. Il fallait qu’il s’énerve un peu...»

Et après?

On discute des Drapeaux de papier, mais Nathan Ambrosioni est déjà dans le prochain film, qu’il a écrit pendant le montage du premier et la tournée des festivals subséquente. Ce sera «assez différent» : «un drame qui va vers le suspense psychologique».

L’équipe est montée, le producteur trouvé, le financement et la distribution presque complétés. Il n’en dira pas plus, question de ne pas engendrer le mauvais sort. Mais son enthousiasme s’entend à des kilomètres à la ronde.

«Je suis trop content. J’ai l’impression, petit à petit, qu’on me donne la chance de faire un second film. J’aime trop le cinéma!»