Le film de la semaine: Les drapeaux de papier *** 1/2

Charlie (Noémie Merlant) et Vincent (Guillaume Gouix) tentent de se rapprocher dans «Les drapeaux de papier».

CRITIQUE / Soyons honnête : «Les drapeaux de papier» est distribué au Québec d’abord et avant tout parce qu’il s’agit du premier long métrage d’un jeune prodige. Le drame épuré de Nathan Ambrosioni impressionne par sa réalisation maîtrisée et sa fine direction d’acteurs. Mais son récit, bien construit, aborde des sujets récurrents sans apporter une perspective différente ou totalement originale, notamment sur le concept relatif de liberté.


Les comparaisons avec Xavier Dolan sont inévitables, mais nous allons les éviter. Le réalisateur français de 19 ans ne met pas en scène son double et manifeste beaucoup moins de tics de réalisation pour ce premier film, à la facture plus sage. Il a toutefois puisé à sa sœur pour le personnage de Charlie (Noémie Merlant).

À 23 ans, elle rêve de devenir artiste. La jeune femme mène une vie rangée, travaille comme caissière et peine à joindre les deux bouts. Au moins, elle a la chance d’habiter une maison prêtée par une amie de son père.



Son univers est profondément bouleversé lorsque son frère ainé de 30 ans débarque. Vincent (Guillaume Gouix) sort de prison. Après 12 ans à l’ombre, il est totalement perdu. Angoissé par une société dont il ignore les codes. Et toujours bouillonnant d’une rage volcanique qui, parfois, explose en causant des dommages.

Le duo tente de s’apprivoiser, mais la réinsertion est un long chemin semé d’embûches parfois incontournables (dans tous les sens du terme). L’absence du père et son incapacité à pardonner à Vincent sont évoquées en filigrane de ce récit simple et terre à terre qui traite aussi du pardon, de l’incommunicabilité et des obligations familiales.

Les retrouvailles avec ce père coincé manquent du naturel qui baigne le film. On y croit peu bien que, curieusement, ces scènes s’avèrent le déclencheur dramatique qui va insuffler une incroyable tension, plutôt latente jusqu’à ce moment.

Car la mise en place des Drapeaux de papier est plutôt lente, Ambrosioni peinant parfois à maintenir notre intérêt pour cette relation douce-amère au centre du long métrage — tellement que les personnages secondaires en sont presque absents, à peine esquissés.



Vrai que le réalisateur-scénariste laisse beaucoup de place à l’imagination du spectateur. On sait très peu de la mère, par exemple, si ce n’est qu’elle a envoyé les drapeaux de papier du titre à Charlie.

Le cinéaste préfère filmer ses protagonistes de très proche, insistant sur les petits gestes, en gros plan, comme cette main que Vincent applique à l’arrière de sa nuque quand la pression monte…

On note aussi une progression dans l’éclairage, Les drapeaux de papier devenant plus lumineux avec l’avancement du récit jusqu’à une superbe fin ouverte à l’interprétation et porteuse d’espoir.

Nathan Ambrosioni a la chance de compter sur deux acteurs de première classe. Guillaume Gouix (Attila Marcel, La French, Les confins du monde, etc.) tourne beaucoup de rôles exigeants et sa présence ici, magnétique et sulfureuse, commande l’attention.

Quant à Noémie Merlant, bouleversante, il faudra la surveiller de près. Sa forte présence dans Portrait de la jeune fille en feu aurait logiquement pu lui valoir (avec Adèle Haenel) le Prix d’interprétation à Cannes, le mois dernier.

Attendons voir, mais ce premier effort de Nathan Ambrosioni s’avère très prometteur.



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Au générique

Cote : *** 1/2

Titre : Les drapeaux de papier

Genre : Drame

Réalisateur : Nathan Ambrosioni

Acteurs : Guillaume Gouix, Noémie Merlant

Classement : Général



Durée : 1h45

On aime : la superbe lumière. Le doigté du réalisateur. La difficile relation frère-sœur.

Charlie (Noémie Merlant) et Vincent (Guillaume Gouix) tentent de se rapprocher dans «Les drapeaux de papier».

On n’aime pas : une lente mise en place.