«Le psychologique est devenu une réalité aussi importante que le physique dans les environnements de travail modernes», exprime M. Boulet en entrevue au Soleil. C’est pourquoi le ministre du Travail a l’intention de faire reconnaître certains troubles psychologiques comme de véritables maladies professionnelles.
À l’heure actuelle, une longue liste de maladies physiques telles que l’intoxication aux produits chimiques, la tendinite, l’asthme ou la perte d’audition sont reconnues par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Aucune maladie mentale ou psychologique ne fait partie de cette liste. Le fait d’en ajouter, «ça va alléger le fardeau de preuve des travailleurs et ça va imposer un fardeau de preuve supplémentaire à l’employeur», indique M. Boulet.
Le ministre compte aller «assez loin» pour que l’on prenne soin de la santé mentale des travailleurs. Il vaut ainsi obliger certaines entreprises à «faire une analyse des risques psychosociaux de l’environnement de travail» qu’elles offrent.
Il est présentement très difficile pour un travailleur atteint d’un trouble psychologique de toucher des indemnités de la CNESST. Les dernières statistiques sur le sujet montrent qu’en 2015, 1032 lésions liées au stress ont été acceptées, ce qui représente un peu plus de 1 % de tous les dossiers de blessures ou de maladies professionnelles. «Ça prend beaucoup d’expertises et ça prend les témoignages de médecins, de psychologues», décrit M. Boulet, qui était avocat en droit du travail avant de plonger en politique, il y a moins d’un an.
Grande réforme
Le ministre se désole que les lois québécoises qui doivent protéger la santé et la sécurité des travailleurs n’aient presque pas été touchées depuis leur entrée en vigueur, en 1979 et en 1985. «Quand on les a adoptées, on était progressistes. Maintenant, on est en arrière.»
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La réforme que prépare le ministre Boulet pour l’automne vise large. Du côté de la prévention, au lieu de classer les entreprises par «secteurs prioritaires», une nouvelle grille de «niveau de risque» serait mise de l’avant. Ainsi, les entreprises à risque de lésions professionnelles auraient l’obligation d’avoir un responsable de la prévention (pour les entreprises de plus de cinq employés), et un comité de santé et sécurité au travail (pour les entreprises de plus de 20 employés).
Les employés qui se blessent ou qui sont malades devraient également avoir accès à davantage de services de réadaptation. M. Boulet souhaite inciter les employeurs à assigner leur employé à d’autres tâches de façon temporaire. Un retour progressif de l’employé favorise normalement sa réadaptation. «Tu le mets pas dans un coin, dans un bureau à rien faire. Tu lui fais faire quelque chose qui est bénéfique pour l’entreprise et pour la santé du travailleur», explique-t-il.
M. Boulet souhaite qu’un comité scientifique aide la CNESST à mettre à jour régulièrement la liste des maladies professionnelles. Par exemple, certains types de cancers sont typiques du travail de pompier ou d’agriculteur.
Le processus de contestation des décisions de la CNESST devrait également être allégé. «C’est long, c’est beaucoup de papier, c’est des coûts», juge M. Boulet, qui envisage d’éliminer l’étape de la révision administrative, afin que les travailleurs qui contestent passent s’adressent directement au Tribunal administratif du travail. Il veut également éviter que des employeurs «habiles» ne paient pas les coûts qui leur reviennent, en plaidant que leur employé avait une condition personnelle préalable qui aggrave sa blessure ou sa maladie.
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UN PLAN POUR PROTÉGER LES STAGIAIRES
Maintenant qu’ils ont obtenu du ministre de l’Enseignement supérieur Jean-François Roberge un programme de bourses plus généreux pour les stages, les étudiants des cégeps et des universités du Québec demandent d’être mieux protégés.
À l’heure actuelle, un stagiaire ne bénéficie pas des mêmes avantages qu’un autre travailleur, s’il se blesse ou s’il subit du harcèlement psychologique en entreprise, par exemple.
Le ministre du Travail Jean Boulet se dit ouvert à améliorer les choses et réfléchit en ce moment à «un plan d’action». «Il y a des droits qui sont revendiqués par les stagiaires qui m’apparaissent totalement légitimes.» M. Boulet reconnaît que l’encadrement actuel est «à peu près inexistant» pour les stagiaires.