L’économie écologique selon Jérôme Dupras

Les travaux de Jérôme Dupras et de son équipe de l’Institut des sciences de la forêt tempérée (ISFORT) consistent à calculer en argent les services rendus par les arbres.

MATANE – L’économie écologique, vous connaissez? C’est le champ d’expertise du professeur du département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Jérôme Dupras, qui dirige le laboratoire d’économie écologique à l’Institut des sciences de la forêt tempérée (ISFORT). Celui-ci se trouve à Ripon, à 80 km du campus de l’UQO.


«On rencontre encore souvent des référentiels économiques qui sont d’un autre siècle, c’est-à-dire qu’on travaille en système ouvert, comme si on pouvait prélever la ressource, transformer, créer de l’emploi et ensuite produire différents extrants, critique le professeur. L’économie écologique, c’est d’essayer de travailler plutôt en vase clos, donc d’essayer de réutiliser des ressources premières et surtout de travailler à l’intérieur de la biosphère.»

Jérôme Dupras cherche donc à développer des outils et des politiques qui peuvent à la fois générer un développement économique nécessaire aux sociétés et qui peuvent assurer la durabilité du monde dans lequel on vit. «Sur cette base-là, j’applique ça à des forêts urbaines, à des milieux agricoles et à des milieux forestiers à travers une lunette de modélisation de théorie économique […]», explique-t-il.

«Ça passe par la quantification des multiples bénéfices des arbres, poursuit-il. On regarde les valeurs sociales et économiques des arbres. Comment ça peut faire l’objet de politiques de soutien à l’arbre? Comment on peut essayer de construire un réseau végétal qui devient une infrastructure naturelle capable de fournir différents services publics?» Sa thèse de doctorat, qui portait sur le sujet, lui a d’ailleurs valu une médaille d’or du Gouverneur général du Canada. 

Chiffrer les services que rendent les arbres

Le professeur et chercheur en est arrivé à calculer que les quelque 400 000 arbres gérés par la Ville de Montréal, sur les 4 à 5 millions d’arbres de l’île situés en milieu privé, fournissent des services estimés à 4 millions$. «On parle ici de coûts de climatisation en été, de contrôle des eaux de ruissellement lors de fortes pluies, de diminution des coûts de santé publique dans la lutte aux îlots de chaleur et du rôle de la séquestration de carbone en milieu urbain», énumère Jérôme Dupras.

Lui et son équipe se sont aussi intéressés à la ceinture verte de Montréal. «Dans l’étude qu’on a publiée en 2015, on disait qu’annuellement, c’était une valeur de 2,2 milliards$ en termes de services non marchands, indique le chercheur. On parle […] des services fonctionnels comme la pollinisation, la prévention des inondations et le traitement de la qualité de l’eau. […] On a fait le même jeu pour Ottawa et Gatineau en montrant une valeur de plus d’un demi-milliard$ annuellement.» M. Dupras a appliqué les mêmes calculs à la ville de Québec, dont les résultats seront bientôt publiés.