L’annonce de la rupture au conjoint violent est le moment le plus dangereux

On peut penser que rompre une relation abusive mettra fin à la violence, mais des études démontrent que ce n’est pas le cas.

TORONTO — Le cas d’une femme ontarienne assassinée par son mari quelques jours après avoir demandé le divorce démontre que les victimes de violence conjugale sont encore plus menacées lorsqu’elles tentent de quitter leur agresseur, selon des experts.


Elana Fric Shamji est restée avec son mari violent pendant plus de dix ans avant de lui remettre ses papiers de divorce en novembre 2016, a-t-on pu apprendre lors du procès de Mohammed Shamji. Deux jours plus tard, il l’a tuée.

Shamji, un neurochirurgien de renom, a été condamné la semaine dernière à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 14 ans après avoir plaidé coupable de meurtre au deuxième degré.

On peut penser que rompre une relation abusive mettra fin à la violence, mais des études démontrent que ce n’est pas le cas, souligne Deepa Mattoo, directrice générale de la clinique Barbra Schlifer, qui fournit des conseils et un soutien juridique aux femmes victimes de violence.

«Une femme, lorsqu’elle décide de partir, est généralement exposée au risque de décès le plus élevé et à la possibilité de blessures physiques, dit Mme Mattoo. C’est alors que [l’agresseur] perd son contrôle. Il est peut-être le plus dangereux à ce moment-là.»

Le meurtre récent d’une mère et d’un bambin de Calgary est survenu après que la femme et son présumé assassin eurent mis fin à leur relation intermittente. Robert Leeming, un citoyen britannique, est accusé de deux chefs de meurtre au deuxième degré.

Aliyah Sanderson, 22 mois, et sa mère, Jasmine Lovett, 25 ans, tuées à Calgary, récemment

Dans une autre affaire très médiatisée l’année dernière, une femme âgée de 22 ans a été poignardée à 40 reprises par son ex-conjoint, qui l’a ensuite tranchée à la gorge et lui a tiré dessus. La police de Calgary a déclaré qu’Adam Bettahar avait été abattu par des policiers quelques jours après avoir tué Nadia El-Dib.

Il faut souvent plus de cinq tentatives pour mettre fin à une relation abusive, rappelle Lise Martin, directrice générale de l’organisme Hébergement femmes Canada.

Outre leurs propres émotions compliquées vis-à-vis de leur agresseur, les personnes vivant dans des relations violentes sont confrontées à un certain nombre de facteurs sociétaux et à des pressions qui rendent extrêmement difficile leur départ, même si elles ont les moyens financiers de le faire, ajoute-t-elle.

Entre autres choses, elles peuvent avoir honte d’admettre ce qui leur arrive, surtout si elles pensent que cela ternira leur image de famille ou leur image professionnelle.

«Le non-expert dira: ‘vous êtes si bien éduquée, vous êtes une femme forte, comment pouvez-vous supporter cela ? On a donc honte de ce qui se passe», poursuit Mme Martin.

Quand les victimes de violence conjugale décident de quitter leurs partenaires violents, il est important qu’elles évaluent minutieusement la menace à leur sécurité, de préférence avec l’aide d’un professionnel, conseille Mme Mattoo.

La clinique recommande d’adopter une stratégie de sortie qui garde la personne en sécurité et lui garantisse l’accès à des documents importants comme sa carte d’identité, sa carte d’assurance sociale et les actes de naissance de ses enfants, ajoute-t-elle.