Tramway: Legault évoque «un plan B»

Devant la lenteur du gouvernement fédéral à compléter le financement du projet de tramway de la Ville de Québec, le premier ministre du Québec François Legault a évoqué jeudi la possibilité de réduire les coûts du projet, une idée qui est loin de sourire à l’administration municipale.


«Le gouvernement libéral avait annoncé un projet de 3 milliards $ avec 1,2 milliard $ provenant du fédéral et 1,8 milliard $ provenant du gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec a livré sa partie alors que le gouvernement fédéral a juste livré 400 millions $. Il y a donc deux possibilités : le premier choix est que le fédéral revienne sur sa position et ajoute 800 millions $, sinon on sera obligés de regarder la possibilité de réduire les coûts du projet», a déclaré le premier ministre en point de presse en marge du congrès de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Un peu plus tôt, il avait déclaré devant les membres de l’UMQ qu’il excluait aussi la possibilité d’avoir recours au fonds fédéral de la taxe sur l’essence pour bonifier le financement du projet de tramway.

«Il y a beaucoup de façons de faire un projet et on a commencé à discuter avec la Ville de Québec, on a commencé les discussions avec le directeur général et on regarde la possibilité d’un plan B», a déclaré M. Legault aux médias, rejetant également l’idée d’aller puiser les sommes manquantes dans le fonds vert. «Les autres fonds qui existent sont déjà réservés pour des projets dans l’ensemble des 1100 municipalités du Québec», a-t-il insisté.

M. Legault ne semblait pas non plus très chaud à l’idée d’augmenter la part du gouvernement provincial dans le projet de tramway. «C’est une question d’équité aussi. Si on donnait plus de 1,8 milliard $ à Québec, d’autres villes seraient en droit de réclamer l’équivalent. Et à partir du moment où le fédéral a annoncé le montant qu’il donnerait à Montréal [pour le transport en commun], je comprends Mme Plante de vouloir avoir ce montant-là», a-t-il ajouté, écartant donc de demander une réduction de la somme versée à la métropole pour le transport en commun.

«Le Québec a fait son bout de chemin. On a mis 1,8 milliard $ sur la table. Reste à voir ce que fera le fédéral. Il y a des élections cet automne, on pourrait avoir un nouveau gouvernement. Mais moi, je souhaite que dans les prochains jours, les prochaines semaines, le fédéral fasse sa part et mette 1,2 milliard $ dans le projet», a-t-il résumé.

Pas de compromis

En point de presse au Centre des congrès de Québec, le conseiller municipal et vice-président du comité exécutif Rémy Normand a cependant écarté l’idée d’un quelconque «plan B» et refusé une nouvelle fois de se mêler de ce qu’il qualifie de «guerre fédérale-provinciale». «C’est visiblement décevant pour la Ville de Québec. On est pris dans une guerre fédérale-provinciale et les événements de ce matin le prouvent encore», a-t-il affirmé au sujet des déclarations de François Legault. «On semble vouloir nous faire jouer dans ce film, mais on n’embarquera pas là-dedans. Ce sont de grands garçons et de grandes filles et on va les laisser régler ça seuls. On essaie de se servir de la Ville à des fins politiques, mais ils sont capables de trouver une solution entre eux.» 

Pas question non plus de réduire le coût du projet et M. Normand assure que, contrairement aux dires du premier ministre, cette possibilité n’a pas été évoquée avec son directeur général. «En début de journée, on nous dit que l’argent est là et qu’on va trouver une solution et maintenant on nous dit qu’il faudrait réduire le projet? C’est un double discours. Quelle est la vraie version? On va l’amener à préciser sa pensée. Pourquoi on reculerait sur un projet qui recueille un large consensus tant dans la population qu’auprès des deux gouvernements? Et c’est faux de dire que les négociations ont été lancées avec le dg [sur une réduction]. Les négociations n’ont porté que sur le dossier d’affaires. Maintenant, on leur demande d’être responsables.»

M. Normand ne craint pas non plus de perdre l’argent déjà annoncé pour le projet de tramway. «Il n’y a pas d’incertitude. L’entente avec le gouvernement du Québec est à la hauteur de 3 milliards $. Il reste à déterminer quelle proportion de l’argent va être puisée à quel endroit», a-t-il résumé.

Magouilles politiques

De son côté, la députée solidaire Catherine Dorion n’a pas mâché ses mots suite aux déclarations de François Legault, évoquant même des «magouilles politiques». «Le plan B de M. Legault, c’est de compromettre un projet vital qui est sur la table depuis des années et qui est appuyé par une majorité de la population, par la Chambre de commerce, le Conseil du patronat, tous les experts en urbanisme et plusieurs autres groupes de la région de Québec. Le premier ministre est-il en train de prendre la population de Québec en otage parce qu’il se laisse manipuler par les conservateurs d’Andrew Scheer? Profite-t-il de l’absence du maire Labeaume pour atrophier le projet ou le faire mourir afin de libérer des fonds pour le troisième lien?», a-t-elle demandé dans un communiqué de presse.

«Les citoyens des banlieues de Québec comme du centre ont besoin du réseau du transport collectif. J’aimerais que les gens de Beauport, de Boischatel et de Montmorency se rendent compte que s’il y a un troisième lien qui passe sur l’île d’Orléans, le trafic qu’il y aura de moins sur le pont Laporte, il va se retrouver sur la 40 Est et va continuer d’augmenter d’année en année. Le transport collectif est la seule chose qui puisse réduire le trafic à long terme. Les gens de Québec ne vont pas laisser saboter ce projet au nom des magouilles politiques de François Legault», conclut-elle.  Avec Jean-Marc Salvet

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La Ville a une mauvaise attitude, selon Gosselin

Le chef de l’opposition à la Ville de Québec, le conseiller Jean-François Gosselin, déplore l’attitude du maire suppléant Rémy Normand et d’Équipe Labeaume dans le dossier du projet de tramway.

«On est dans une impasse et en refusant de s’asseoir avec François Legault pour revoir le projet, M. Normand a une attitude qui n’est aucunement ouverte pour trouver des solutions», a déclaré le chef de Québec 21 en point de presse en marge du congrès de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). «Le gouvernement provincial veut s’asseoir et la Ville ne veut pas, ce n’est pas la bonne attitude», a-t-il décrit.

«La Ville a un projet et elle l’impose, elle ne veut pas discuter. Ce n’est pas la faute du gouvernement du Québec, c’est la faute de la Ville!», a martelé Jean-François Gosselin, ajoutant qu’il était d’accord avec François Legault sur le fait de ne pas aller de l’avant avec le projet tant que la question du financement n’est pas réglée. Le conseiller municipal a d’ailleurs siégé à l’Assemblée nationale sous les couleurs de l’Action démocratique du Québec (ADQ), l’ancêtre de la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault, en 2007 et 2008.

«En mars 2018, on nous présentait un projet qui devait coûter au maximum 3,3 milliards $ et avec une interconnectivité avec la Rive-Sud et maintenant, on se retrouve avec un nouveau gouvernement provincial qui dit qu’il versera 1,8 milliard $ et un gouvernement fédéral qui dit de payer le reste avec certains programmes. On est dans une impasse et, normalement, quand on est dans une impasse, on doit revoir le projet, mais la Ville ne veut pas. Ce n’est pas comme ça que ça marche!», a-t-il ajouté. 

Jean-François Gosselin a aussi avoué qu’il commençait à avoir peur des dépassements de coûts dans le projet de tramway «Après l’annonce que l’usine de biométhanisation coûtera 65 millions $ de plus et le fameux amphithéâtre qui devait coûter 40 millions $ et a coûté 200 millions $, j’ai l’impression qu’on a déjà joué dans ce film-là et qu’on veut nous y faire jouer une troisième fois», conclut le chef de l’opposition.