Revoir les taxes municipales pour faire face aux inondations

Le gouvernement du Québec et les villes sont en pleine négociation pour le transfert de 1 % de la taxe de vente du Québec aux municipalités. La présidente ex-officio de l’Union des municipalités du Québec, Suzanne Roy, est d’avis que les graves inondations de ce printemps seront un argument de plus pour favoriser ce transfert.

Si les villes étaient moins dépendantes de l’impôt foncier, elles pourraient résister à la tentation de s’étaler et ainsi éviter la construction en zone inondable, croit Suzanne Roy, de l’Union des municipalités du Québec (UMQ).


«T’es pas capable d’offrir davantage de services à ton citoyen sans être obligé de faire pousser des bungalows», déplore Mme Roy, mairesse de Sainte-Julie et présidente du comité de l’UMQ sur les changements climatiques.

Le gouvernement du Québec et les villes sont en pleine négociation pour le transfert de 1 % de la taxe de vente du Québec (TVQ) aux municipalités. Mme Roy est d’avis que les graves inondations de ce printemps seront un argument de plus pour favoriser ce transfert. Sans augmenter le fardeau fiscal des Québécois, un tel transfert permettrait aux municipalités d’être moins dépendantes des taxes municipales établies à partir de la valeur de chaque maison ou édifice.



À l’heure actuelle, environ 70 % du budget d’une municipalité provient de l’impôt foncier. «Si on se compare aux pays membres de l’OCDE, le Québec est en retard. Ailleurs, c’est autour de 50 % du budget qui provient des taxes municipales», indique Mme Roy.

Le grand recours à l’impôt foncier incite les municipalités à toujours vouloir grossir et à entrer en compétition avec les villes voisines. Ainsi, il devient tentant d’octroyer des permis de construction en zone inondable.

Mme Roy est d’avis qu’il faut maintenant que les villes deviennent «plus résilientes» face aux catastrophes naturelles et qu’elles évitent de se nuire mutuellement.

«La prévention des inondations, c’est complexe. Va falloir travailler ensemble, parce que si on met des digues à une place et qu’on envoie l’eau chez le voisin, on n’a rien gagné collectivement», commente-t-elle.



L’UMQ croit qu’il existe de nombreuses solutions pour le futur : reconstruire des digues plus hautes, faire cheminer l’eau en zone non habitée, mieux protéger les maisons, et aussi inviter les gens de déménager, comme le nouveau programme du gouvernement le permet. «Par contre, on peut pas penser qu’on va déménager tous ceux qui ont été inondés», avertit Mme Roy.

Vers une politique nationale?

«Ce qu’on voit cette année, je pense que c’est la preuve qu’on a fait des mauvais choix en matière d’aménagement», lance Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en ville et l’un des porte-parole de l’alliance ARIANE.

Créée en 2015, cette alliance regroupe des urbanistes, des architectes, des environnementalistes, des producteurs agricoles, des protecteurs du patrimoine et des municipalités. Elle demande au gouvernement du Québec de se doter d’une Politique nationale d’aménagement du territoire, afin de mieux préserver les milieux naturels et bâtis.

«Dans le passé, les villes ont été laissées à elles-mêmes, il y a eu du laxisme. Ce n’est pas le moment de se pointer du doigt, mais c’est normal que le gouvernement soit tanné de payer parce que des villes ont mal fait le travail», croit M. Savard. Il cite par exemple le cas de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, une ville qui est «construite dans le lac, sur sa plaine inondable».

Il y a plusieurs années, des maires ont fait des «batailles épiques» contre l’existence même de zones inondables, rappelle M. Savard. Aujourd’hui, le discours a changé. Tellement que 13 villes et villages du Québec, dont Montréal et Gatineau, appuient les revendications d’ARIANE.

«Une politique nationale pourrait s’occuper des enjeux qui dépassent les intérêts propres d’une ville, qui peut être portée à prendre des décisions pour ramasser des taxes à court terme», évalue M. Savard. L’assèchement de milieux humides en amont d’une rivière peut influencer le sort d’une municipalité située en aval par exemple.

Lors de la dernière campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’est engagée à «élaborer une politique nationale de l’architecture et de l’aménagement». M. Savard indique que des canaux de communication sont ouverts entre l’alliance ARIANE et le gouvernement. La CAQ a lancé des travaux pour préparer une stratégie en architecture, mais rien de similaire n’a encore été fait en ce qui concerne l’aménagement du territoire.