Malgré la maladie, Nathalie Bisson court toujours

En 2015, Nathalie Bisson courait le Marathon de Paris pour ses 50 ans, en 2017, le Marathon de Toronto, puis une troisième fois Rimouski l’an dernier, cette fois après avoir littéralement arraché la puce informatique de son dossard, car elle ne voulait absolument pas connaître son chrono!

Même si son premier médecin lui avait conseillé de ne plus rien faire, ajoutant qu’elle ne serait de toute façon bientôt plus capable de marcher, après lui avoir donné un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde sévère il y a 17 ans, Nathalie Bisson court toujours. Mais aujourd’hui, à l’âge de 53 ans, elle ne se préoccupe plus du tout de ses chronos, une philosophie qu’elle a couchée sur papier dans «Le pace du bonheur», un livre écrit en collaboration avec la journaliste Mylène Moisan du Soleil et paru chez Guy Saint-Jean Éditeur.


Le «pace», c’est le terme anglais utilisé par les adeptes de la course à pied pour décrire leur allure, leur vitesse de déplacement. «Comme je suis une personne assez intense, je n’ai pas accepté que mon médecin me dise que je ne pourrais presque plus bouger quand il m’a donné son diagnostic, à l’âge de 36 ans. Il me disait presque "Laisse-toi échoir". Je suis allée chercher un deuxième diagnostic avec une autre médecin, car je voulais avoir un rôle à jouer dans ma prise en charge. Ma médecin m’a dit que ce ne serait pas facile, mais elle m’a écoutée», raconte Nathalie en entrevue avec Le Soleil.

Même si elle n’avait presque plus de tonus musculaire, ayant peine à tenir une tasse de café ou à tourner la clé de contact de sa voiture, Nathalie s’est donc acheté un vélo stationnaire. «La première fois, j’ai tenu 75 secondes et ça faisait mal comme si j’avais fait 100 km. Mais chaque fois, j’essayais d’en faire un peu plus. C’était un peu comme si je faisais un gros "fuck you" à la maladie et à mon premier médecin.»

Du vélo à la course

Moins d’un an après le début de son entraînement, Nathalie a pris la route à vélo en direction de la Gaspésie où son conjoint allait la rejoindre. «J’ai fait ça chaque année pendant cinq ans. La première année, j’ai couché à Montmagny le premier soir, l’année suivante à Saint-Jean-Port-Joli, puis Saint-Roch-des-Aulnaies et La Pocatière les années suivantes. La cinquième année, je me suis presque rendue à Baie-des-Sables en sept jours!» raconte-t-elle fièrement. 

C’est en 2007 qu’elle s’est mise à la course à pied avec comme objectif de participer à l’épreuve de 10 km du Marathon des Deux Rives. «Je croyais que ce serait facile en raison de mon entraînement, mais ce ne sont pas du tout les mêmes muscles et les mêmes articulations qui sont sollicités. Un matin, je courais quatre minutes et deux maisons, le lendemain quatre minutes et quatre maisons», raconte-t-elle à propos de sa progression.

«J’ai fait les 10 km des Deux Rives, mais je n’étais pas contente de mon résultat, alors je me suis inscrit à plusieurs 5 km et 10 km. J’ai finalement couru les 5 km de L’Islet-sur-Mer en 24 minutes. Là, j’étais fière de moi et je me suis mise dans la tête de courir... un marathon», raconte Nathalie au sujet de cet objectif qu’elle a réalisé en 2011 à Rimouski. «La course, c’est une drogue pour moi! Mais en 2013, j’ai eu une récidive de ma maladie et ma médecin m’a suggéré non pas d’arrêter de courir, mais d’arrêter de courir sans prendre de pause. J’ai jeté mon chrono et ma montre, j’ai incorporé la marche à mon régime et j’ai décidé de passer de fille hyperperformante au "pace" du bonheur», illustre-t-elle.

Sans chrono

Elle a couru de nouveau le Marathon de Rimouski avec cette philosophie et a terminé... en 12 minutes de moins que la première fois. «Quand on m’a dit mon temps, je n’en revenais pas. J’avais été plus rapide que l’année où j’avais couru "non stop"! Il faut dire que les conditions étaient horribles : il y avait de la neige, de la "slush" et il y avait eu 28 % d’abandon! Mais moi, j’avais fait tout ça dans le bonheur!» indique celle qui a aussi lancé un blogue, une page Facebook en plus de commencer à donner des conférences en 2016.

En 2015, Nathalie courait le Marathon de Paris pour ses 50 ans, en 2017, le Marathon de Toronto, puis une troisième fois Rimouski l’an dernier, cette fois après avoir littéralement arraché la puce informatique de son dossard, car elle ne voulait absolument pas connaître son chrono! «J’ai 53 ans, un corps de 80 ans, mais dans ma tête et dans mon coeur, j’ai 12 ans!» illustre la coureuse qui jure ne plus avoir regardé ses chronos après son deuxième Marathon de Rimouski. «Depuis mai 2018, je cours tous les jours, mais pour le plaisir. Je cours parfois avec mes petits-enfants et eux aussi ont la même philosophie. On ne leur parle pas de leurs chronos!»

Après avoir vu son histoire racontée dans une chronique de Mylène Moisan, Nathalie a eu envie d’aller plus loin dans un livre. «Mylène a eu la gentillesse de me prêter sa plume et je suis contente, car le livre est classé dans la catégorie "cheminement personnel". C’est très bien, car ce n’est pas seulement un livre de course à pied! J’y raconte comment j’ai littéralement changé ma perception de la vie», conclut celle qui dit avoir réappris à se calmer pour mieux composer avec sa maladie chronique, dont le stress peut amplifier les effets.