«Paysages-fragments»: reprendre vie

«La forêt déprimée» d’Isabelle Demers (détail)

Dans l’exposition «Paysages-fragments» présentée à la Maison Tessier-Dit-Laplante, chaque œuvre a sa propre pièce. Les espaces autrefois domestiques de la maison patrimoniale accueillent les paysages à la fois intimes et immenses imaginés par cinq femmes artistes.


La jeune commissaire Anne-Sophie Blanchet a demandé à chacune de créer une installation spécifiquement pour Manif d’art. Les artistes ont répondu à l’appel avec des œuvres d’une beauté et d’une force envoûtantes.

«Topiaires d'hiver» d'Amélie Proulx

Dans la première chambre, la céramiste virtuose Amélie Proulx propose deux autels tout blancs où trônent des crânes et des boules disco. Des plantes sinueuses rampent sur les murs ou sont posées en équilibre sur des tours de contenants de styromousse et de plastique moulés en porcelaine. Avec son paysage d’atelier aux allures de vanité, l’artiste questionne, avec un brin d’humour, la notion de fragilité et de pérennité.



«Trois petits tours et puis s’en vont» de Sylvie Cloutier

Sylvie Cloutier fait trôner un amas de racines de papyrus au centre de la deuxième pièce. Sur chacune des tiges mortes, elle a posé une goutte de résine époxy, comme si la vie pouvait y reprendre avec le printemps. Près d’une fenêtre, une lentille optique permet à l’observateur attentif de renverser son point de vue. L’artiste en a semé une vingtaine à l’extérieur du bâtiment et dans les environs.

«Point de vue» de Sylvie Cloutier

Près de Forêt déprimée, l’installation d’Isabelle Demers, une odeur de sapin baumier nous remplit les narines. Les céramiques atypiques de l’artiste prennent de plus en plus d’aplomb. Elle a créé des arbres morts, des souches, des écureuils, des champignons, des fleurs et un oiseau pour créer un sous-bois calciné où la nature reprend farouchement vie.

«La forêt déprimée» (détail) d'Isabelle Demers

À l’étage, Marie-Fauve Bélanger, qui crée des sculptures en multiples couches, par collage, a ajouté poussière et gravelle à ses compositions baptisées Océan noir et Balancer les météores. Une aura cosmique, friable. «On est devant un paysage ambivalent, qui unit l’eau, la terre, la mer et le ciel», note la commissaire.

«Océan noir» de Marie-Fauve Bélanger

Le dernier mot revient à Sarah Booth, qui a créé un paysage intérieur à partir d’un portrait de femme trouvé dans un livre d’histoire de l’art. «Elle a fait plusieurs impressions qu’elle a altérées. Cette surenchère de couches, sur une tige, a créé cette forme en arc, comme un corps qui se recroqueville», observe Anne-Sophie Blanchet. Des multiples versions de soi, empalées avec soin. 

«Décortiquer» de Sarah Booth

À la Maison Tessier-Dit-Laplante, 2328, avenue Royale, Beauport, jusqu’au 21 avril.