Le trio en question a déjà été un groupe rock — avant qu’une tragédie minière coûte la vie à 53 personnes. Marianne (Chokri), qui y a perdu ses parents, a pris le salut dans la fuite. Bassiste du groupe Tulips, elle revient dans sa ville natale pour les commémorations du 10e anniversaire des évènements.
Sur place, elle renoue avec le taciturne Christoph (Schwartz), guitariste et chanteur, et Kevin (Hivon), un batteur excité du bocal. Le premier a été son amoureux et éprouve encore des sentiments pour la belle. Le second est le seul survivant de l’effondrement de la mine et souffre du syndrome du survivant.
Ils sont, à des degrés divers, hantés par ces douloureux souvenirs, mais Morin s’est surtout attaché au trouble de Marianne, toujours sur le bord de l’explosion et dont les plaies sont encore à vif. La jeune femme se sent aussi coupable d’être partie alors que sa sœur aînée (Catherine De Léan) est restée en arrière pour recoller les pots cassés.
Cette célébration, dans le contexte, donne bonne conscience à ceux qui n’ont rien perdu et indisposent ceux qui souffrent, croit-elle. Mais Marianne est aussi à la recherche des illusions perdues de sa jeunesse… Bref, une vraie crise existentielle.
Après La chasse au Godard d’Abbittibbi (2013), Morin tourne à nouveau dans sa région natale, ce qui l’honore. Il peut ainsi évoquer, en toute connaissance de cause, l’importance démesurée d’une culture mono-industrielle dans un village en région et les tensions qui viennent avec.
Son passé de musicien l’aide aussi à dépeindre ce groupe (influencé par Joy Division) qui a rêvé grand avant le départ de Marianne — Monia Chokri a une vraie attitude de rock star et le charme qui vient avec. L’actrice est parfaitement crédible. Sa complicité avec Emmanuel Schwartz et Patrick Hivon est tellement magnétique qu’on s’attache à ses trois écorchés.
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Le réalisateur en néglige toutefois ses personnages secondaires, qui manquent d’épaisseur. Il peine aussi à maintenir l’équilibre entre les moments dramatiques et humoristiques, comme s’il avait eu peur de la charge émotive du sujet. Malaises et non-dits sont nombreux, toutefois, à l’image de cette relation qui a pris fin abruptement, dix ans plus tôt.
Éric Morin a aussi adopté une mise en scène beaucoup plus lisse que pour son premier long métrage. Ce n’est pas une mauvaise idée — son film est plus accessible. Mais la signature perd en vigueur (et l’abus de plans aériens finit par agacer).
Le propos est touffu, mais Éric Morin aurait peut-être dû explorer plus à fond le rapport tordu à l’or qu’entretient la communauté. Après tout, le film ne s’appelle par Nous sommes Gold pour rien…
Reste qu’il traite avec beaucoup d’à propos les hauts et les bas familiaux et amicaux lorsqu’un deuil douloureux se perpétue.
Au générique
Titre : Nous sommes Gold
Cote : ***
Genre : Drame
Réalisateur : Éric Morin
Acteurs : Monia Chokri, Emmanuel Schwartz, Patrick Hivon
Classement : Général
Durée : 1h39
On aime : la complicité des acteurs. La réalité rurale. Les thèmes abordés. La trame sonore.
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On n’aime pas : le ton fluctuant. La réalisation tranquille.