«Les caméras sont toujours en fonction. […] Nous avons décidé de garder les caméras à la suite du G7 sans échéancier pour les enlever», confirme au Soleil David Poitras, un des porte-parole du SPVQ. «L’analyse de la situation nous a permis de conclure que les caméras représentent un outil supplémentaire à l’orientation de nos opérations policières et à la progression de certaines enquêtes.»
Combien de ces appareils surveillent les citoyens? «Quelques dizaines de caméras ont été installées peu avant le sommet du G7», précise M. Poitras. Et elles sont où? «Pour des raisons stratégiques, nous ne dévoilerons pas le nombre précis, ni la localisation, ni le type de caméras.»
Le SPVQ avance cependant que ces caméras sont allumées en permanence, bien qu’il n’y ait pas d’yeux braqués sur les écrans à temps plein. «Le visionnement des images est effectué par un policier et le réseau d’images est sécurisé. [Mais] il n’y a pas de visionnement 24 heures sur 24.»
Elles seront plutôt utiles lorsque l’activité dans les rues sortira de l’ordinaire, affirme David Poitras. «L’objectif est d’assurer une meilleure sécurité des citoyens lors de grands événements en utilisant un outil de plus afin de détecter des situations à risque potentiel.»
Le policier n’est toutefois pas en mesure de nommer un événement survenu depuis le Sommet du G7 des 8 et 9 juin 2018 au cours duquel ces outils de surveillance ont été utiles. «Les caméras ont-elles servi depuis le G7 lors d’enquêtes, de recherches de suspects, etc.? Ont-elles permis des arrestations/accusations?» avons-nous demandé. M. Poitras répond : «Elles ont contribué aux enquêtes lors des manifestations du Sommet du G7.» Il fait référence aux images recueillies durant les protestations, dont certaines ont été soumises en preuve lors du récent procès de deux accusés.
Contrat d’exception
Pour mémoire, le contrat d’achat et d’installation des caméras avait été octroyé en avril 2018, à quelques mois du Sommet du G7 qui se tenait à La Malbaie et Québec. Le maire avait dû signer une autorisation d’exception pour que le débours de 141 000 $ puisse être effectué sans appel d’offres auprès de la firme Logic-Contrôle de Québec.
Selon la «Loi sur les cités et villes, dans un cas de force majeure de nature à mettre en danger la vie ou la santé de la population ou à détériorer sérieusement les équipements municipaux, le maire peut décréter toute dépense qu’il juge nécessaire et octroyer tout contrat sans appel d’offres pour remédier à la situation d’urgence». Régis Labeaume avait évalué que cette exemption légale s’appliquait à la dépense.
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CAMÉRAS DU G7: LÉGAL OU PAS?
Est-ce légal d’utiliser des caméras policières filmant les habitants et visiteurs de la capitale en continu? Oui, mais…
«Ça fait débat», remarque Pierre Trudel, professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal. «Capter des images dans un espace public, ce n’est pas entièrement interdit, mais il y a des limites. C’est pour ça que c’est si ambigu. C’est parce que les limites, c’est essentiellement de s’assurer qu’on ne fait pas, avec ces systèmes-là, une intrusion qui est disproportionnée par rapport aux avantages qu’on recherche : prévenir le crime, prévenir des gestes illicites.»
Au centre des discussions : le droit à la vie privée. «C’est souvent énoncé comme un enjeu important. […] On reconnaît que les gens ont une attente raisonnable de vie privée même dans des espaces publics. Ce n’est pas parce que vous êtes dans un espace public que je peux vous espionner et vous photographier sous toutes les coutures.»
«C’est bien pratique»
Le débat se poursuit lorsqu’on tente de quantifier les bénéfices engendrés par les caméras de surveillance étatiques. «Il y a des gens qui font valoir que ça n’a pas d’effet significatif sur le taux de criminalité ou le nombre d’incidents déplorables. D’autres, par contre, font valoir que, […] quand un événement se produit, c’est bien pratique d’aller voir les images des caméras pour savoir ce qui a pu se passer.»
L’argument de la commodité l’emporte souvent.
Quoique les règles sur l’utilisation des caméras ne soient pas toujours limpides, il y a cependant un certain consensus qui se dégage autour de l’archivage, ou non, des enregistrements, fait valoir Pierre Trudel. «Lorsqu’on s’aperçoit que les images n’indiquent absolument rien de significatif, n’indiquent pas d’actes criminels […], la règle assez généralement recommandée par tous ceux qui s’intéressent à la vie privée, c’est que les images soient détruites.»
«Et l’autre règle, c’est de prévenir les gens que ce type d’outil est utilisé. Il ne s’agit pas de prendre les gens par surprise.»
L’interprétation de ces «règles» est toutefois à géométrie variable. Et pendant que le débat se poursuit… «Il y a une constante, c’est qu’il y en a toujours de plus en plus de ces caméras de surveillance», observe M. Trudel qui évalue qu’«une fois qu’une caméra est installée, c’est bien dur de l’enlever.»
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«INTOLÉRABLE»
La Coalition pour le droit de manifester à Québec dénonce vivement le maintien des caméras policières installées à l’origine pour le Sommet du G7.
«C’est intolérable pour une démocratique comme la nôtre», déplore Vincent Baillargeon, un porte-parole. «C’est sûr qu’on va le dénoncer. Ça nuit au droit à la vie privée, ça nuit à la démocratie.»
«C’est un peu de mauvaise foi et c’est très antidémocratique dans le sens où ils n’ont consulté personne, ils n’ont pas consulté la population», ajoute M. Baillargeon. «Ils se servent d’un événement comme le G7 en disant là c’est nécessaire.»
«Même dans le cadre du G7, est-ce que c’était vraiment nécessaire? On pense que non. Puis, en plus, on apprend qu’ils les gardent… Pour quelles raisons ils les gardent? […] Il faut que, autant les policiers que les autorités municipales, disent pourquoi ces caméras sont encore là?»