La juge Marie-France Vincent entendra la cause jusqu’au 15 mars. Le recours concerne environ 300 résidents de Saint-Ferdinand, Sainte-Sophie-d’Halifax et Saint-Pierre-Baptiste, qui réclament des dommages et intérêts du promoteur Énerfin à la suite de la réalisation du projet Éoliennes de l’Érable et l’installation de 50 éoliennes dans le paysage depuis près de 10 ans.
Les requérants Yvon Bourque et Jean Rivard ont déposé leur requête il y a plus de six ans et la Cour supérieure l’a autorisée en 2014. Claude Charron estime que le résultat du procès pourrait inciter d’autres communautés à se mobiliser et à demander réparation pour les projets éoliens qui diminuent leur qualité de vie en plus de faire chuter la valeur de leurs propriétés.
«Présentement, au Québec, il y a deux autres recours collectifs contre des promoteurs éoliens. Il y a celui contre le Parc [éolien] des Moulins, qui comprend 59 éoliennes dans le secteur de Thetford Mines et dans lequel Hydro-Québec est aussi poursuivie, et il y a celui de la Seigneurie de Beaupré de Boralex qui concerne surtout les impacts négatifs durant les travaux», explique M. Charron.
«Il y en a d’autres qui essaient de s’organiser, mais l’impact d’un procès comme le nôtre risque de faire des petits. En Gaspésie par exemple, plusieurs vivent des impacts négatifs en raison des éoliennes. On n’a qu’à penser au Parc Nicolas-Rioux ou au Parc Baie-des-Sables», poursuit-il.
Bruit et dévaluation
Les gens de Saint-Ferdinand, Sainte-Sophie-d’Halifax et Saint-Pierre-Baptiste se plaignent du bruit, de l’impact sur le paysage, de la perte de valeur des terrains et de la dégradation du tissu social à la suite de l’arrivée des promoteurs éoliens. «Le bruit nous empêche de dormir la nuit et, avec leurs 500 pieds de haut à partir du bout des pales, les éoliennes sont aussi hautes que le Complexe G! Avec quatre, cinq ou même six autour sur une montagne, ça a un effet d’écrasement», explique M. Charron, estimant que les éoliennes fonctionnent, et font du bruit, de 30 % à 35 % du temps. «Les plus proches sont à un kilomètre de chez moi, alors c’est très agressant.»
Quant à la dévaluation des terrains, elle serait de l’ordre de 30 % dans un rayon de deux kilomètres du projet éolien. «M. Rivard a mis sa maison en vente. Des gens sont venus voir, ils ont vu les éoliennes et ils ont passé leur tour. Après sept ans, il a fini par vendre, mais à perte», souligne Claude Charron.
Quant aux répercussions sociales, M. Charron cite les résultats d’une étude réalisée par la chercheuse Marie-Ève Maillé démontrant que les liens entre les membres des communautés étaient affectés négativement par les conflits entourant les projets éoliens. Mme Maillé sera d’ailleurs appelée à témoigner pour les requérants lors de l’audience. «Il y a plusieurs personnes qui ne se parlent plus. Je l’avoue, il y a des gens, parmi les “proéoliens”, à qui je ne parle plus. Il y a des commerçants que je boycotte. Ceux qui sont allés à la MRC pour demander d’autoriser ce parc éolien, car ils s’attendaient à un boum économique qui n’est jamais venu.»
Projet isolé
Du côté du promoteur Énerfin, le porte-parole Sébastien Verzonni a refusé de commenter le procès à venir. Cependant, Jean-François Samray, président-directeur général de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER) qui regroupe plusieurs développeurs éoliens et municipalités, refuse de généraliser le dossier d’Éoliennes de l’Érable, qu’il considère comme un cas isolé, à l’ensemble de la filière éolienne.
«C’est un seul projet sur une cinquantaine au Québec. Ce n’est pas le procès de la filière éolienne, il ne faut pas mélanger les deux. La filière éolienne se porte bien au Québec. Les gens en veulent plus. Pour le reste, les tribunaux trancheront. Je fais confiance au système de justice du Québec», conclut M. Samray.