La santé mentale: une priorité nationale

Que ce soit à titre de pair aidant en santé mentale ou comme ex-usager des dits services, ça me turlupine profondément de voir et d’entendre la multinationale Bell nous sonner les cloches de la maladie mentale, au Québec, à chaque mois de janvier de l’année. Comme si la stigmatisation, l’effarant taux de suicide québécois, la hausse des troubles anxieux chez nos jeunes, le manque intersidéral de psychothérapie, comme si tout cela pouvait se résumer seulement à une histoire de millions de clics, tweets, Facebook, Instagram, Snapchat, trois petits tours et puis s’en vont…


Et après? Le reste de l’année? Peu de choses, sinon le ronron étatique habituel, et le fait que Bell Canada Entreprises (BCE) va continuer d’engranger de fabuleux profits. Quant au reste? Bof!

Un véritable chantier national

Ici, qu’on ne s’y méprenne pas. J’ai tout de même beaucoup d’estime pour les gens, vedettes ou simples citoyens-nes, qui prêtent leur visage et leur voix à ce type de campagne. Seulement, à titre de communauté consciente de ses priorités, nous méritons certainement davantage que de la charité corporative et commerciale intéressée, en matière de maladie mentale, itinérance, toxicomanie, violence conjugale et autres problématiques connexes. Il nous faut un véritable chantier national, un processus révolutionnaire et rassembleur, susceptible d’avoir un impact majeur en lien avec les déterminants qui sont propres à la santé mentale (logement, études, travail, réseaux personnels, etc.).

Cela dit, les solutions à plusieurs problèmes sont connues depuis belle lurette; il ne manque que la volonté politique, l’argent et les ressources nécessaires pour les appliquer. Mais alors? Comment ne pas hurler, ici, devant la petitesse des budgets de la santé mentale, au Québec? On parle grosso modo d’un chiffre de 1,3 milliard$, soit à peine 6% du budget total du MSSS (38 G$), alors que selon l’OCDE, les problèmes de santé mentale représentent le quart des problèmes de santé d’une population? (COSME).*

Une Commission itinérante

Récemment, des regroupements d’organismes communautaires (dont l’AGIDD-SMQ), des psychiatres, des usagers-ères et des élus-es, dont l’ex-ministre Hélène David, ont plaidés pour une commission itinérante en matière de santé mentale… J’en suis! Une telle commission, outre de permettre de «nommer» les différents problèmes vécus ces dernières années (urgences psychiatriques, manque de psys, accès aux soins déficient, etc.) et d’y apporter des éléments de solution, permettrait aux différents-es intervenants-es de mieux se connaître, et aussi de voir leur travail spécifique connu et apprécié. De même, on peut imaginer toutes les possibilités de réseautage et de remaillage qui s’offriraient, s’agissant des réseaux de travail régionaux et nationaux qui ont été brisés, voire anéantis, soit par l’austérité libérale, soit par les démembrements consécutifs à la loi 10 de l’ancien ministre Barrette.

Enfin, en plus d’avoir une pensée féconde d’actions pour nos jeunes et nos aînés-es, et par-delà son inquiétant bardassage d’organigramme, la nouvelle ministre Danielle McCann pourrait ordonner au moins deux mesures toutes simples qui enverraient un signal très clair à la population: la première serait de compléter les bases d’un authentique programme de psychothérapie universel et gratuit, et la deuxième d’augmenter convenablement les budgets des 450 organismes en santé mentale du Québec!

Quel beau signal d’espoir cela enverrait!

Et pour citer un certain François Legault: «Ça montrerait qu’on a cessé d’avoir peur!»


Gilles Simard

Pair-aidant en santé mentale et journaliste

* OCDE: Organisation de Développement et de Coopération Économique - COSME: Réseau communautaire en santé mentale