Le plein de preuves pour le second recours collectif du cartel de l’essence

Le recours collectif vise 1,2 million de personnes de Québec, Lévis, Trois-Rivières, Drummondville, et de plusieurs autres villes de la région.

Le second recours collectif qui vise à indemniser 1,2 million de Québécois, victimes alléguées d’un cartel des prix de l’essence, passe en seconde vitesse. Premier arrêt : faire le plein de milliers de preuves... si la Cour supérieure le permet.


Rappel. En 2004, le Bureau de la concurrence amorce la bien nommée enquête Octane sur la fixation des prix de l’essence. Les enquêteurs mettent au jour un vaste complot entre diverses stations-service, dans les régions de Sherbrooke, Magog, Victoriaville et Thetford Mines. Selon le poursuivant, Couche-Tard est au cœur du complot, contrôlant et décidant du moment et de la façon de fixer les prix. Le manège se serait étiré de 2001 à 2006.

Dans les années suivantes, 39 employés ou patrons et 15 détaillants et compagnies pétrolières sont accusés par le Service des poursuites pénales du Canada. Depuis, 32 personnes et 7 entreprises ont plaidé coupable ou ont été reconnues coupables au terme de procès.

Deux actions collectives civiles ont été entreprises (en 2009 et 2012) pour dédommager les centaines de milliers d’automobilistes victimes du cartel durant la période concernée. En 2017, un premier recours s’est conclu par un règlement à l’amiable partiel qui a donné 17,3 millions $ (moins les frais d’avocats) aux résidents de Sherbrooke, Magog, Victoriaville et Thetford Mines. Chacun des 240 000 citoyens de ces villes a reçu des cartes-cadeaux pour une valeur d’environ 50 $.

Le deuxième recours collectif est cinq fois plus gros et vise 1,2 million de personnes de Québec, Lévis, Trois-Rivières, Drummondville, Lac-Mégantic, Princeville, Coaticook, Plessisville, Saint-Georges, Sainte-Marie, Scott, Vallée-Jonction, Saint-Hyacinthe, Saint-Cyrille-de-Wendover, Saint-Anselme, Saint-Patrice-de-Beaurivage, Montmagny et Rivière-du-Loup. Aucune accusation pénale n’a été déposée contre des personnes ou des entreprises dans ces territoires.

À la lumière des informations déjà recueillies, les avocats des automobilistes soutiennent que les actes de collusion reprochés dans le premier dossier se sont produits dans d’autres territoires. Et ils ont besoin du dossier d’enquête pour le prouver.

C’est pourquoi ils passent à l’offensive et réclament tous les documents écrits et tous les enregistrements d’écoute électronique qui concernent la fixation des prix de l’essence dans les territoires visés par le second recours collectif. Ils veulent aussi une copie de toute la divulgation de la preuve remise aux accusés lors des poursuites pénales.

«Les informations recherchées et détenues par le Bureau de la concurrence sont pertinentes et essentielles à la recherche de la vérité et à la résolution des questions en litige faisant l’objet du présent dossier judiciaire», écrivent les avocats du cabinet Paquette Gadler, dans leur requête à la Cour supérieure qui sera présentée la semaine prochaine à Québec.

La somme d’information demandée est importante, mais proportionnelle aux enjeux économiques de la cause, soutiennent les avocats des automobilistes. Les 1,2 million de membres du second recours ne doivent pas faire l’objet d’un traitement moins favorable que ceux du premier recours, ajoutent les avocats. «Ils doivent avoir accès au même type de preuve et à la même quantité de preuve», plaident-ils.

«Coûts faramineux»

Durant la vaste enquête Octane, qui a duré près de 10 ans, le Bureau de la concurrence a enregistré, après l’émission de mandats d’écoute électronique, plus de 220 000 communications privées dans plusieurs régions, notamment au siège social de Couche-Tard, à Laval.

Jusqu’à maintenant, seulement 6000 conversations ont été divulguées, tant aux accusés dans le cadre des poursuites pénales qu’aux automobilistes des recours collectifs.

Remettre l’enquête entière aux avocats des automobilistes représente des coûts faramineux, plaide le Procureur général du Canada (PGC), dans une requête qui vise à obtenir une indemnité.

Car avant de divulguer, il faudra retranscrire, trier et filtrer une montagne de documents pour protéger des méthodes d’enquête, assurer la protection des tiers innocents, garantir le secret professionnel, entre autres.

La communication de la totalité du dossier d’enquête ferait encourir à l’État des frais estimés entre 4,5 et 5,5 millions $, évalue le Procureur général du Canada. Selon le PGC, une personne seule prendrait 44 ans pour faire tout le travail!

L’État fédéral, qui n’est pas partie au litige, a déjà payé près de 250 000 $ pour divulguer la preuve du Bureau de la concurrence dans le cadre du premier recours collectif.

Le gouvernement fédéral demande donc à la Cour supérieure d’ordonner que les automobilistes soient contraints de payer une indemnité pour la communication de documents supplémentaires.