Disons-le d’emblée, il y a un prérequis à la poursuite de votre lecture : oubliez un moment tout négativisme, rayez de votre vocabulaire le mot utopie et rangez votre calculatrice à fonds publics. Maintenant, vous pouvez poursuivre.
Il y a donc ce secteur industriel plutôt incongru au cœur de la capitale. Puis, il y a ces deux finissants d’une «double maîtrise» en architecture et design urbain : Charles Gosselin-Giguère et Simon Parent. Les comparses se sont dit que le temps est venu de transformer complètement ce quartier, d’en imaginer un tout neuf. Ils l’ont même déjà baptisé : Stadaconé, une référence à l’ancien village iroquoien.
Historiquement, les usages industriels sont installés en périphérie des villes, remarque Simon Parent. «Mais avec la croissance urbaine qui s’est faite au cours des 100 dernières années, ces équipements-là se sont retrouvés au centre.» Tout comme l’autoroute Dufferin-Montmorency et des activités portuaires un peu moches.
Ces infrastructures et bâtiments, héritages d’une autre ère, sont «en fin de vie», plaident-ils.
Conjoncture favorable
Poussés dans le dos par le vent des changements climatiques, ils sentent que la conjoncture leur est favorable. Il faudrait faire table rase pour créer des milieux de vie, de travail, de commerce, s’articulant autour d’un réseau de transport en commun structurant ambitieux et accessible à distance de marche. Surtout un réseau bien plus étendu que celui projeté par la mairie. Un réseau redonnant ses lettres de noblesse au transport ferroviaire, plus confortable et invitant que le bus pour les banlieusards, disent-ils.
«Le nerf de la guerre, c’est vraiment la manière dont on se déplace», dixit Charles Gosselin-Giguère.
Tandis que nous discutons, il entend des critiques criées depuis les bouchons de circulation : avant d’être étiqueté «antivoitures», il réplique qu’il faut simplement remettre les autos à leur place.
L’autoroute repoussée hors du périmètre urbain, les industries et l’incinérateur relocalisés, les architectes-designers se retrouvent avec un grand terrain pour rêver. La Ville veut de la place pour assurer sa croissance, en voici! s’exclament-ils.
De la place pour l’équivalent de deux Limoilou en logements [28 000 personnes], deux Phares en bureaux, 17 pavillons Pierre Lassonde en bâtiments publics et 23 rues Cartier en commerces. Ils ajoutent des berges naturalisées, des quais, de la verdure…
«Très rentable»
Et il y aurait de l’argent à faire. Pour les promoteurs immobiliers. Pour le Port. Pour la Ville aussi, qui verrait ses revenus de taxes grimper avec l’augmentation rapide de la valeur foncière.
Les contribuables y trouveraient également leur compte, affirme le duo. Un piéton coûte beaucoup moins cher en infrastructure qu’un automobiliste.
«Ce serait très rentable», lance Charles Gosselin-Giguère.
Pas le choix, il faut bien leur souligner que d’aucuns y verront une utopie? «L’utopie c’est de continuer à faire le développement comme on le fait en ce moment», réplique Simon Parent, tandis que son confrère opine. «Le maintien du statu quo c’est utopique.»
Ils lancent donc leur «hypothèse» dans le débat public tel un pavé dans la mare. Pour créer des remous, secouer.
Et dans l’espoir d’accrocher l’intérêt du plus grand nombre, ils en remettent une couche : tant qu’à parler du potentiel de ce quartier, pourquoi ne pas regarder ailleurs sur la carte de la capitale? Autour des autoroutes Robert-Bourassa et Laurentienne, entre autres.
Leur démarche a donné vie à un site Web. Intrigués? C’est par ici : www.quebecresilient.com
Source : www.quebecresilient.com