Le médecin Éric Notebaert, professeur de médecine à l’Université de Montréal, a passé en revue l’essentiel des dernières études nord-américaines portant sur la fracturation hydraulique et elles vont très majoritairement dans le même sens.
«Il y a plus de 1000, en fait 1021 produits utilisés par les compagnies effectuant de la fracturation hydraulique et 90 % de ces produits ont une toxicité humaine. On manque en plus beaucoup d’information à propos de leur toxicité reproductive et développementale, de même qu’au sujet du potentiel cancérogène de la grande majorité de ces produits», note le Dr Notebaert. Il vient d’effectuer une tournée en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent pour présenter ces résultats.
Il souligne que les opérations de fracturation hydraulique menées en Amérique du Nord, dont une importante concentration en Pennsylvanie, ont été réalisées dans une apparente ignorance des dangers pour la santé de l’injection dans le sol d’importantes quantités de produits chimiques, et du dégagement de gaz lors de découvertes d’hydrocarbures.
«La toxicité de gaz comme les oxydes d’azote, le dioxyde de souffre, le benzène et l’éthane ont des effets encore plus dommageables dans l’air que les produits injectés dans le sol, avec les renseignements disponibles», dit-il.
Silence sur la nature des produits
Ce qui sidère M. Notebaert, c’est que les autorités gouvernementales n’exigent pas que les compagnies d’exploration soumettent la liste des produits utilisés aux autorités de la santé et de l’environnement.
«La soupe de chaque compagnie va varier en fonction de la formation géologique. Je ne suis pas géologue mais je présume que cette soupe contient quelques dizaines voire quelques centaines de produits. Le problème, c’est que la composition de cette soupe demeure un secret de compagnie», déplore-t-il.
Ces produits chimiques contaminent l’eau, la nappe phréatique notamment, et l’air. Les forages et la fracturation brassent les éléments radioactifs contenus dans le sol, suffisamment pour que la radioactivité qui en découle atteigne en certains endroits quelques centaines ou quelques milliers de fois la norme permise, ce qui augmente le risque lors de contacts avec ces matières.
Le Dr Notebaert décline une longue liste d’effets sur la santé associés à la fracturation : cancer, problèmes respiratoires, fatigue et perturbations endocriniennes. Ces perturbations peuvent induire l’infertilité, un développement anormal du fœtus, la puberté précoce, le diabète, l’obésité, des problèmes neurologiques et des troubles d’apprentissage.
Effets à long terme à étudier
Cette liste est également incomplète du simple fait, dit-il, que l’intensification récente de la fracturation dans certains coins des États-Unis et en Colombie-Britannique y multipliera des effets à long terme, effets qui restent donc à étudier.
«Avant de développer un cancer, ça prend une latence de quelques années, parfois une dizaine et une vingtaine d’années. Sauf que 80 % des études sur la fracturation ont été réalisées depuis 2013», résume le Dr Notebaert.
De plus, il y a une corrélation entre le nombre de puits forés dans une région donnée et le nombre d’hospitalisations.
En outre, «il y a une hausse nette du nombre de bébés de petit poids quand on se situe à moins de 2,5 kilomètres d’un forage. Quand on est à moins d’un kilomètre, il y a une hausse de 25 % des bébés de petit poids. L’impact peut se faire sentir jusqu’à 3,5 kilomètres et même 5 kilomètres, dans certaines études», souligne le médecin.
À l’abandon complet et définitif de toute fracturation, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement «demande de délaisser complètement le développement des hydrocarbures, afin de limiter le réchauffement climatique», insiste le Dr Notebaert.
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AU PROGRAMME DE 2019
La Gaspésie risque de faire face en 2019 à un cas de fracturation hydraulique puisque la firme Pieridae a fait mention de cette possibilité à l’emplacement Bourque, près de Murdochville, lors d’une présentation faite à ses actionnaires en juin. Elle devra obtenir un permis au préalable.
S’appuyant sur l’abandon de l’amiante, la fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly et le moratoire de facto frappant l’exploration d’uranium, tout ça à la suite de pressions sociales, Éric Notebaert croit que la mobilisation citoyenne peut avoir raison de la volonté de Pieridae.
«On ne sait pas où le nouveau gouvernement québécois s’en va avec la fracturation. Je pense qu’ils sont prêts à être éduqués. François Legault pense à ses gars», souligne le médecin.
À ceux qui croient que la présumée faible proportion, de 1 à 2 %, de produits chimiques injectés dans le sol limite leur impact, Éric Notebaert que cette quantité de liquides s’établit à un intervalle de 10 à 20 millions de litres. «Un pour cent de 20 millions de litres, c’est 200 000 litres. C’est beaucoup de produits chimiques dont on ignore la composition.»