«Je me plais à dire que c’est la première fois de l’histoire du Conseil des arts du Canada qu’on subventionne une tournée de bingo», note Louis-Karl Picard Sioui en riant. Mû par un enthousiasme contagieux, le performeur a revêtu son costume d’animateur de bingo (veston bleu vibrant et cravate assortie) afin de se faire tirer le portrait par notre photographe. Si son animation ne contient ne serait-ce qu’un pour cent de l’énergie qu’il déployait pendant le dévoilement de la programmation de Québec en toutes lettres, l’expérience s’annonce euphorique.
Le but visé par ce bingo inusité est de célébrer et faire connaître la littérature autochtone des 40 dernières années. «Il n’y a jamais un spectacle pareil, puisque c’est le boulier qui déterminera quels textes seront lus et par qui», indique le créateur. Ainsi, une boule sera tirée pour déterminer qui, de Naomi Fontaine, Marie-Andrée Gill, Sylvain Rivard, Guy Sioui Durand ou un volontaire parmi les spectateurs, lira. Une autre boule pointera quel texte, parmi 75 extraits, sera lu. Si les numéros tirés se trouvent sur leur carte, les spectateurs peuvent aussi, évidemment, les étamper. Chaque «Bingo!» leur permettra d’aller choisir un livre en prix.
On découvrira ainsi, tout en jouant, des voix méconnues. Louis-Karl Picard Sioui nomme notamment An Antane-Kapesh, membre de la bande innue de Matimekosh, près de Schefferville, qui a publié l’essai biographique Je suis une maudite Sauvagesse / Eukuan nin matsshimanitu innu-iskueuen, en 1976. Il mentionne aussi Eleonore Sioui, première poète autochtone à avoir publié un recueil en français en 1984, ainsi que Jeanne d’Arc Vollant, auteure «d’une série de haïkus très drôles et étonnants».
Je me plais à dire que c’est la première fois de l’histoire du Conseil des arts du Canada qu’on subventionne une tournée de bingo
Le tout sera agrémenté par la présence du musicien Marc Vallée à la guitare et au piano, et par celle d’Andrée Lévesque Sioui, dont le tour de chant prend chaque fois des allures de tour de force (dont on vous laissera découvrir les paramètres).
Malgré l’apparence déjantée de la proposition, ce n’est pas la première fois que le bingo sert de trait d’union entre les Québécois et les Premières Nations. «Le bingo relie les sensibilités des Autochtones et des Québécois. C’est une activité exceptionnellement populaire dans les communautés», rappelle Louis-Karl Picard Sioui.
Les belles-sœurs de Michel Tremblay ont d’ailleurs inspiré la pièce The Rez Sisters de Tomson Highway, qui met en scène un groupe de femmes qui rêvent de jouer au gros bingo, à Toronto. «Quand Mémoire d’encrier a publié Aimititau! Parlons-nous! en 2008, l’image de la couverture était une carte de bingo sur laquelle on avait dessiné des territoires et tracé des mots, indique aussi Louis-Karl Picard Sioui. C’est ce que Jacques Newashish avait trouvé de mieux pour illustrer la rencontre entre les auteurs.»
Le bingo littéraire Kwahiatonhk! a d’abord été créé en 2015 dans le cadre du Salon du livre des Premières Nations, dont la 7e édition se tiendra du 22 au 25 novembre.
(info: https://kwahiatonhk.com/edition-2018/)
Le spectacle participatif sera présenté vendredi à la bibliothèque Françoise-Bédard de Rivière-du-Loup et samedi à l’Impérial de Québec à 19h, en programme double avec Véronique Grenier et La Bronze. Info: www.quebecentouteslettres.com