Le chef Soulard l’avoue d’emblée, il n’a jamais fumé de cannabis et ça ne l’intéresse pas. C’est plutôt sa curiosité et son désir d’innover qui l’ont poussé à s’intéresser à cette plante dont on parle abondamment depuis plusieurs mois et qui vient tout juste d’être légalisée.
Lorsque l’idée a germé il y a un an de se pencher sur le cannabis en cuisine, Jean Soulard a «lu, lu et lu» sur le sujet et a pris conscience du manque de précisions et d’exactitude — voire du «grand n’importe quoi» — qu’on trouve sur le Web. Il a alors vu la pertinence d’amener sa contribution sur le sujet.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/LLXQSL4Q2RCG5H7T5VTTBP3CMI.jpg)
Si ce 11e livre du chef a été «le plus dur à écrire», de son propre aveu, ce n’est pas en raison de l’élaboration des recettes, mais plutôt à cause du volet informatif et des nombreux avertissements qu’il contient. Une trentaine de pages au début de l’ouvrage mettent à profit le savoir de quatre spécialistes universitaires qui abordent le cannabis sous divers angles : chimie, psychiatrie, neurosciences et pharmacologie.
Dans Le cannabis en cuisine… ce n’est pas comme du basilic!, Jean Soulard explique comment faire du beurre ou de l’huile au pot qu’on pourra ensuite intégrer aux recettes de bisque de homard, de magrets de canard, de pâtes carbonara ou de clafoutis aux framboises. Avec toujours ce rappel qu’il faut bien prendre garde au dosage, et garder en tête que le cannabis ingéré prendra beaucoup plus de temps à se faire ressentir que la «mari» fumée, mais que le buzz durera plus longtemps.
Expérimentations
Si le chef a été son premier cobaye, il a par la suite mis à contribution des gens de son entourage — des adultes consentants, bien sûr — pour tester ses créations culinaires. Son constat : «C’est étonnant de voir qu’il n’y a aucune personne qui réagit de la même façon. C’est vrai aussi pour une même personne, qui goûte à la même recette, au même produit [de cannabis], avec la même quantité, mais qui va avoir une réaction différente d’une fois à l’autre! Ça démontre toute l’importance d’être dans un endroit sécuritaire et bien entouré lorsqu’on consomme, si jamais on réagit mal.»
Même si ces expérimentations se sont déroulées avant la légalisation du cannabis, Jean Soulard indique ne pas avoir eu de difficulté à dénicher sa matière première. «Tout le monde connaît quelqu’un qui peut s’en procurer… Mais sur le marché noir, on trouve n’importe quoi!» signale le chef, qui a pu faire «analyser» sa ressource.
Pas opportuniste
Alors que son livre sort à peine deux semaines après la légalisation de la marijuana au pays, M. Soulard se défend d’être «opportuniste». «Si je l’avais sorti avant [la légalisation], là ça aurait été de l’opportunisme. […] J’ai terminé d’écrire le livre au printemps, mais je ne voulais pas le sortir au lendemain de la légalisation qui devait avoir lieu en juillet. C’était prévu de sortir le livre à l’automne», explique-t-il.
Le maître cuisinier de France, qui s’est établi au Québec en 1979 et qui a notamment été aux commandes des cuisines du Château Frontenac durant 20 ans, se défend bien de vouloir encourager la consommation de pot. «Je me suis posé la question : est-ce éthique, est-ce correct ce que je fais? Mon but est de donner des conseils, de conscientiser… je savais que je le faisais pour les bonnes raisons.»
Une bonne chose, la légalisation? «À mon avis, oui. Les scientifiques sont unanimes que [ça] va permettre d’accroître les recherches sur le cannabis. Ce n’est pas en se mettant la tête dans le sable qu’on va régler le problème. L’ignorance n’est pas la solution», selon Jean Soulard, pour qui la seule «dépendance» est de chausser ses runnings pour aller courir lorsque le besoin de se changer les idées se fait sentir.