Le président de l’Association des fournisseurs de Chantier Davie reste sur son appétit.
Il n’entend pas assez parler du financement accordé, en mai dernier, par le gouvernement à la Coopérative de transport maritime et aérien (CTMA) pour la construction d’un nouveau traversier pour remplacer le Vacancier. Ce bateau-cargo, vieux de 45, ans qui assure le transport des personnes et des passagers entre les Îles-de-la-Madeleine et Montréal.
Ce contrat, l’Association des fournisseurs de Chantier Davie le dénonce sur toutes les tribunes depuis déjà quelques semaines.
Il fait l’objet d’un appel d’offres international. Une vingtaine de chantiers maritimes à travers le monde, dont celui de Lévis, sont en train de préparer leur déclaration d’intérêt pour la réalisation de ce projet de plus de 300 millions $.
De l’avis de Pierre Drapeau, Davie a bien peu de chances de décrocher le gros lot. Il rivalise avec des concurrents qui offrent des salaires moindres à leurs travailleurs.
«Si, au moins, il y avait une exigence de contenu québécois de 50 %, Davie pourrait construire la coque du navire à Lévis», explique M. Drapeau qui est à la tête d’un regroupement de près de 900 fournisseurs du chantier maritime québécois.
Or, l’exigence de contenu québécois pour la construction du nouveau traversier de la CTMA a été fixée à 30 %.
«C’est nettement insuffisant», fait valoir Pierre Drapeau au cours d’un entretien avec Le Soleil.
«Je m’explique mal que l’on se prive des importantes retombées économiques de la réalisation d’un tel projet alors que le traversier sera payé à 100 % par les contribuables québécois. Pour sauver 25 ou 30 millions $, on s’apprête à faire fi de retombées économiques importantes.»
Une étude d’impact économique réalisée en juillet dernier par la firme OMX pour le compte de Davie précisait que la construction du CTMA Vacancier entraînerait des retombées directes et indirectes de l’ordre de 500 millions $ et permettrait d’offrir un gagne-pain à 1600 travailleurs.
Comme il l’a fait dans le cas du navire ravitailleur Asterix construit pour la Marine royale canadienne, Davie proposait de louer le nouveau traversier au gouvernement du Québec.
«On peut reprocher bien des choses à la Stratégie nationale de construction navale du gouvernement fédéral, mais Ottawa a fait le choix, lui, de construire ses bateaux au Canada.»
L’espoir, la CAQ
Au début de la campagne électorale, la direction de Davie a ouvert les portes de ses installations à tous les partis politiques.
De concert, avec l’Association des fournisseurs, elle réclamait de la part des candidats un engagement à modifier ou à annuler carrément l’appel d’offres international.
Tour à tour, le leader du Parti québécois (PQ), Jean-François Lisée, et le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, ont foulé la cour du chantier naval. Ils se sont engagés à corriger le fameux appel d’offres pour accroître à 70 % (PQ) et à 50 % (QS) le contenu québécois.
Pour leur part, Philippe Couillard (PLQ) et François Legault (CAQ) n’ont pas encore mis les pieds à la Davie.
Ils n’ont pas pris d’engagement non plus.
Il y a quelques semaines, le ministre délégué aux Affaires maritimes, Jean D’Amour, a déclaré à Radio-Canada que le seuil de contenu québécois était suffisant et que Davie «devait se faire confiance» et possédait toutes les compétences pour décrocher le contrat dans le cadre de l’appel d’offres international.
Pierre Drapeau avoue qu’il ne s’attend pas à un virage de la part du PLQ dans le dossier du CTMA Vacancier.
Son espoir repose donc sur la CAQ, même s’il juge que la formation de François Legault tarde à se mouiller publiquement dans le cas de la Davie.
«M. Legault parle souvent de l’importance de créer des emplois de qualité au Québec. À la Davie, le salaire annuel moyen est de 70 000 $. Avec le contrat du CTMA Vacancier, il sera possible d’en créer 1600 à la Davie et chez ses fournisseurs qui, eux aussi, paient bien leur monde. François Legault a une belle occasion de faire plaisir à des centaines d’entreprises au Québec», tranche Pierre Drapeau qui, par ailleurs, déplore la situation actuelle.
«Alors que l’on devrait, tous ensemble, chauffer le poêle pour aller chercher ce qui reste à aller chercher à Ottawa dans la cadre de la Stratégie nationale de construction navale, on est train de batailler entre nous pour ce traversier.»
Un peu plus de 160 travailleurs sont en poste en ce moment à la Davie. Selon la direction, ce chiffre va continuer de fluctuer, au cours des prochaines semaines, avec l'amorce des travaux de conversion pour les trois brise-glaces.