Trois erreurs à ne pas répéter pour sauver le système de santé

On cherche encore les bénéfices de la centralisation à outrance de la réforme Barrette, qui nous a fait reculer de 40 ans, signale Ginette Langlois.

La campagne électorale pourrait porter en grande partie sur les questions économiques et identitaires. Nous serons cependant nombreux dans le domaine de la santé et des services sociaux à tourner notre attention sur les promesses des différents partis quant à l’avenir du réseau public.


Ce n’est un secret pour personne, l’insatisfaction dans le réseau public n’a jamais été aussi élevée. Tous nos indicateurs le prouvent, y compris bien sûr les plus sinistres concernant les congés de maladie et la détresse psychologique. Les mesures injustifiées du ministre Barrette depuis son entrée en poste ont su braquer l’ensemble du personnel et affaiblir l’efficacité globale du réseau. Parmi ses erreurs, en voici trois qui ne doivent absolument pas être répétées par le prochain gouvernement. Il en va de la pérennité du réseau public.

Délaisser les services sociaux et la prévention

Les services sociaux ont toujours été le parent pauvre. Pourquoi? Pour un gouvernement, il sera toujours plus payant électoralement d’investir pour désengorger les listes d’attente en chirurgie. Cela fera les manchettes! C’est tout le contraire pour les services sociaux, qui demeurent dans l’ombre et qui ne figurent à aucun palmarès. Pourtant, ils représentent à long terme la clé de voûte du bien-être d’une population.

Les sommes dirigées vers l’embauche de travailleuses et travailleurs sociaux, d’éducatrices et d’éducateurs ou de psychologues devraient être considérées comme des investissements qui rapportent, au même titre que l’éducation. Un ministre sérieux s’attaquerait à ce chantier en tout premier lieu. Il remettrait notamment à flot les CLSC et travaillerait à rebâtir l’expertise précieuse qu’ont développée ces institutions, dont le modèle est admiré un peu partout dans le monde.

Il est également reconnu par l’Organisation mondiale de la santé qu’il faut agir en prévention sur les déterminants sociaux pour diminuer les coûts en santé. La lutte à la pauvreté entraîne des impacts économiques positifs dans l’ensemble de la société. En 2010, le ministère de la Santé et des Services sociaux s’était d’ailleurs engagé en ce sens, mais le gouvernement n’a pas donné suite. Aujourd’hui, le Québec se retrouve en queue de peloton des États développés dans le domaine de la santé publique, avec moins de 2 % de son budget de santé consacré à la prévention, comparativement à 5,5 % en Ontario.

Une centralisation excessive

On cherche encore les bénéfices de la centralisation à outrance de la réforme Barrette, qui nous a fait reculer de 40 ans. La création des CLSC dans les années 60 est à la base d’une volonté de décentraliser les services, de distinguer les services courants de première ligne de ceux plus spécialisés et d’adapter ces services courants aux besoins des populations locales, le tout dans une perspective d’améliorer et faciliter la gestion. L’évolution du réseau a par la suite permis d’établir des collaborations et une meilleure continuité dans les différents types de services. Aujourd’hui, on se retrouve avec des établissements gigantesques qui dépassent l’entendement et regroupent tous services confondus, avec le retour d’un modèle médical dominant.

La démobilisation du personnel au fil des années semble être un effet direct de la centralisation du réseau. Le ministre s’est délesté d’une gamme diversifiée d’expertises — dont celle des professionnels et des techniciens du réseau — qui ont les compétences pour évaluer les meilleurs services appropriés aux besoins de la population. Pourtant, le ministre persiste à traiter ces gens comme de simples exécutants en diminuant leur autonomie et leur capacité d’intervention, tout en ajoutant une couche de paperasse supplémentaire.

Alors que les employeurs de tous les secteurs économiques considèrent aujourd’hui la main-d’œuvre comme leur élément le plus précieux, la considération du personnel ne semble pas avoir été un élément pris en compte par le ministre. L’enquête que nous avons menée l’an dernier sur la santé psychologique des professionnels et techniciens du réseau pointe également dans cette direction. Toutes et tous veulent donner un service impeccable à la population, mais ne se sentent plus soutenus par le grand patron.

Malgré la surprenante résilience du personnel du réseau, le mandat libéral a eu l’effet d’un rouleau compresseur qui laissera assurément des traces permanentes. Il faut maintenant espérer que l’on puisse recoller ce qu’il reste des pots cassés et éviter de répéter les mêmes erreurs. Souhaitons que la campagne électorale apporte les bonnes réponses à ces problèmes.

Ginette Langlois, présidente, Fédération des professionnèles (CSN)