Le nouveau lieu attire les nostalgiques qui ont fréquenté l’école, mais permet aussi aux artistes de se poser dans un lieu qui favorise les discussions, les échanges et les projections, et qui réveille l’écolier curieux qui sommeille en nous.
Un cadre idéal pour Leila Zelli, qui crée une collection de courtes animations sur les paradoxes de la vie dans les pays en guerre. Elle puise des images sur Internet, puis en isole des éléments; des bribes qui papillonnent sur les murs et qui mettent en doute nos perceptions.
Sur le tableau vert, une jeune Syrienne court à en perdre haleine. «On ne sait pas si elle joue ou si elle s’enfuit, souligne l’artiste. En fait, elle joue au soccer, alors qu’avant, elle ne pouvait jamais quitter la maison. Paradoxalement, la guerre lui donne la liberté de jouer.»
Sur un mur, des feux d’artifice illuminent le ciel pendant que retentit la musique de Bambi, un film que Leila Zelli regardait en boucle, très jeune, pendant que la guerre entre l’Iran et l’Irak faisait rage dehors. «Moi aussi, enfant, je voyais les belles lumières dans le ciel sans comprendre que c’était des bombes. Maintenant, des gens amènent leur chaise sur le pont de Gaza pour assister aux bombardements et applaudir», souligne-t-elle.
Sous le tableau, Les paysages sacrés mettent en parallèle des images d’un vieux Coran donné par sa grand-mère et des roses de Damas, une fierté syrienne qui est en train de disparaître à cause de la guerre. Pour questionner les liens entre guerre et religion, elle nous offre un objet d’art à la beauté fragile.
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Le travail de Gali Blay, entre le documentaire et les films d’animation, est de la même trempe. La jeune femme a interrogé des gens qui vivent depuis si longtemps dans la bande Gaza qu’ils n’entendent plus le bruit des bombes. «Je m’intéresse à comment il perçoivent leur réalité, à leur mécanismes de défense, j’essaie de capturer leur force et leur fragilité», indique-t-elle. Leurs propos imagés sont transformés en décors bricolés, filmés et animés. Le résultat, à la fois éclaté et touchant, a quelque chose de L’île aux chiens, le dernier film de Wes Anderson.
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À bord de son camion transformé en camera obscura, Marie-Christiane Mathieu saisit des images du paysage de Baie-Saint-Paul dans la lumière du matin. «Je voulais voir comment le paysage industriel, économique, cohabite avec le paysage patrimonial, agraire», note-t-elle. En tentant de collecter ces intrusions sauvages, elle a toutefois obtenu des images étonnantes, très poétiques, qui flirtent avec les tableaux impressionnistes ou de paysages hollandais. «Ça diminue mon mordant», constate l’artiste, qui accueille toutefois cette surprise avec intérêt.
La boutique de souvenirs d’Eddy Firmin et Fred Laforge, glorieux dictateurs du pays imaginaire du Guagabec (fusion de Guadeloupe et Québec), s’inscrit dans l’idée du cabinet de curiosités, où l’incatégorisable est catégorisé. Suçons et bobbleheads à leur effigie étaient en voie de venir grossir leur inventaire, qui comprend déjà des t-shirts ornés de leurs armoiries, des porte-clés et autres objets qui mettent en évidence la réduction d’une identité culturelle à quelques symboles choisis et reproduits. «On propose un regard de mixité, qui respecte nos pratiques individuelles et nous permet aussi de créer ensemble. Parce que le vivre ensemble ne passe pas par la disparition des singularités», souligne Eddy Firmin.
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Ari Bayuagi crée quant à lui un parallèle entre l’immigration et les portes, en y mélangeant plusieurs couleurs, techniques et matériaux. Des éléments du Québec et d’ailleurs y ont été cousus ensemble, à la main, avec du fil métallique. «Lorsqu’on met deux cultures ensemble, ça prend du temps à cicatriser, à guérir», illustre l’artiste. Dans un hublot, on peut lire «Go back to your country», une phrase qui ne manque pas de remettre en perspective la situation des réfugiés.
Symboles du pouvoir
À partir d’images de bunkers construits pendant la Guerre froide, abandonnés ou recyclés en musée, en salles de concert, ou encore en camps de réfugiés, Michael Love a décidé de faire ses propres propositions. Ses constructions visuelles sont créées dans Photoshop, chaque couche est imprimée et découpée pour créer une maquette, qu’il photographie.
Lianne Ho utilise quant à elle des images de monuments politiques qu’elle déforme par ordinateur, en créant des perspectives impossibles, avant de les reproduire à la main en peignant l’image pixel par pixel. Ces symboles de pouvoir, dont la fonction est transformable, illustrent la vérité qui se tord d’un support médiatique à l’autre.
Shelley Miller trace des murales en sucre (une denrée prisée par les colonisateurs), elle aussi carré par carré, où elle insère des éléments de l’actualité politique actuelle (Donald Trump, par exemple) dans des grotesqueries, «un genre crée par les Romains pendant l’Antiquité» où s’entremêlait métamorphoses animales et végétales.
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Cumulant les métaphores entre enjeux mondiaux et les jeux de société, «qui engagent les rapports de pouvoir entre nous», Laurent Gagnon a créé un jeu de mikado géant, une carte du monde sur un échiquier et une carte de Monopoly où la Promenade est illustrée par le paysage de Baie-Saint-Paul. «Une image de la gentrification de la campagne, entraînée par tous ceux qui veulent la vue six semaines par année», indique l’artiste.
Avec les gens
La classe occupée par Jean Brillant s’organise autour d’une «tour du savoir», où sont posés des objets laissés par les visiteurs pour illustrer «l’ouverture de la Chine» ou encore «le niveau de l’eau à Montréal». À chaque objet son constat comique et un peu grinçant. Sur un plateau à plusieurs niveaux, on peut laisser «une nanane contre une promesse», comme pendant une campagne électorale.
«C’est un baromètre climatique sur les changements de paradigmes, changements de mentalités, changements philosophiques de nos sociétés», indique Marie-Hélène Parant pour expliquer son écran interactif. Des données numériques sur l’environnement et des gros titres y défilent et influencent le paysage vidéo, qui s’embrase, par exemple, lorsque les incendies de forêt font rage. Elle interroge les visiteurs sur l’effet des changements climatiques dans leur vie.
Maryse Goudreau collecte aussi les témoignages, sur les bélugas cette fois, dans un dispositif de théâtre participatif, pour nourrir sa recherche sur l’histoire sociale de cette baleine, intimement liée à la culture québécoise.
Le Symposium se poursuit du mercredi au dimanche, de 12h à 17h, jusqu’au 26 août.